Je vous ai peut-être raconté l’histoire de Caroline ? Cette femme est l’épouse d’un des diacres de notre diocèse. Elle était protestante et elle s’est convertie au catholicisme. Et l’une des raisons qui l’ont amenées à cette conversion m’a beaucoup étonnée : elle me disait qu’elle s’était convertie parce que le catholicisme était beaucoup plus concret.

Et je crois que l’évangile de ce jour nous montre bien combien notre foi s’ancre sur du concret : les disciples d’Emmaüs viennent de raconter leur rencontre avec Jésus ressuscité, et les messages commencent à devenir sacrément concordants ; pour autant, personne n’apporte de preuve tangible.

Cet anodin poisson grillé vient pour partie combler ce manque de concret : par ce poisson grillé, les cinq sens du corps humain sont pleinement mis à contribution :

  • Entendre : Jésus parle, « la paix soit avec vous »
  • Voir : « Voyez mes mains et mes pieds »
  • Toucher : « Touchez-moi »
  • Goût : « Il mangea devant eux »
  • Odorat : celui qui fait griller du poisson au barbecue sait facilement en quoi l’odorat (le nôtre et celui de nos voisins) est sollicité (!)

Jésus a recours au corps, aux sens des apôtres. Et c’est très important.

Déjà, le passage par le corps rappelle aux disciples qu’ils ont vraiment vécu quelque chose dans leur vie, que ce n’était pas un rêve, mais quelque chose de réel. Comme le dit Jésus, il n’est pas un esprit, mais une personne concrète.

C’est un moyen aussi de les rassurer face à quelque chose qui peut paraître effrayant. Un moyen de les rejoindre là où ils en sont, de se mettre à la portée de tous, un moyen de se rendre accessible.

Cela remet en confiance : oui, ce n’est pas un imposteur, c’est bien celui que nous avons connu, celui que nous avons aimé ! Et cela provoque la joie, la joie des retrouvailles, la joie en dépit de l’incompréhension qui subsiste car tout n’est pas encore très clair.

Le recours aux 5 sens est aussi important parce qu’on découvre ce que peut être un corps ressuscité : manifestement, c’est un corps humain, mais « autrement humain », comme a dit quelqu’un. Christ est ressuscité ! Oui ! Mais sa résurrection n’enlève rien à son incarnation. Et c’est très important parce qu’on pourrait voir l’Au-delà comme un monde à part, pour « plus tard », complètement déconnecté de notre vie humaine. Or, ce n’est pas ça que nous montre Jésus : il ne renie pas son corps humain ; il l’assume au contraire, il l’emporte avec lui lors de son Ascension (qui suit ce passage d’Evangile). Ce corps, il l’a aimé, quand bien même il lui a fait ressentir la souffrance la plus ignoble. Il l’a assumé jusqu’au bout. Le psaume 84 nous donne des mots forts : « tu as aimé Seigneur cette terre ». Et le psaume d’aujourd’hui nous donne des mots de gratitude à l’égard de ce Dieu qui porte tant d’amour à l’homme, y compris avec sa carcasse encombrante : « qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? ; tu l’as voulu un peu moindre qu’un dieu, le couronnant de gloire et d’honneur »

Et c’est finalement ce message d’amour pour l’homme, avec son corps, avec son âme (c’est-à-dire avec son affectivité , sa psychologie et ses facultés), c’est ce message d’amour total de l’homme en son entièreté que Jésus ordonne à ses disciples de transmettre : « à vous d’en être les témoins ». Témoigner, ce n’est pas une mission facultative ; témoigner, c’est une obligation. Et ce n’est pas parce qu’on ne maîtrise pas tout, ce n’est pas parce qu’on ne connaît pas tout, que nous devons nous dispenser de témoigner. L’évangile nous dit que Jésus « ouvrit l’intelligence de ses disciples à la compréhension des Ecritures ». C’est donc que, pour être témoins de Jésus, il suffit d’avoir l’intelligence prête, disponible à la compréhension des Ecritures. C’est donc une ouverture intérieure, dans la confiance, plus qu’une question de connaissances.

Et si Jésus explique à nouveau aux disciples les paroles qu’il leur a dites, c’est pour mettre ses paroles en perspective, les mettre en lien, montrer leur cohérence du début de leur rencontre jusqu’à sa mort et sa résurrection.

Mais évidemment, nous n’avons plus aujourd’hui, la possibilité d’entendre la voix de Jésus nous expliquer directement tout cela. Mais nous avons la Bible, les Evangiles, nous en avons l’accompagnement qui en a été fait par l’Eglise et le Magistère au cours des siècles. Nous avons la vie sacramentelle et la vie de prière, y compris la prière en actes. Nous avons les témoignages réciproques de nos propres vies. Tout cela permet de goûter et de transmettre le lien vivant et vrai que Jésus souhaite avoir avec nous.

Et parfois, donner un morceau de poisson grillé à quelqu’un qui a faim est la plus belle des prières et le plus explicite des témoignages.

Demandons à Jésus de susciter en nous le désir de témoigner et demandons-lui de faire jaillir en nous des trésors d’ingéniosité et de finesse pour que la forme de notre témoignage soit la plus adaptée possible à la variété des personnes que nous rencontrerons.

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