Que ceux qui ont suivi à la télé le mariage de Meghan et du prince Harry lèvent la main ! Ah ce mariage, cette calèche, ce voile de 5 mètres de la mariée. Ah le protocole ! Tout était organisé, calibré, chronométré. Mais tout cela a tout de même laissé transparaitre que l’amour était au cœur de l’événement. C’était semble-t-il plutôt réussi puisque l’impression générale était loin d’un mariage contraint, superficiel, du genre « parce qu’il faut bien ».

Ce mariage fastueux montre que le plus difficile, c’est que les signes extérieurs révèlent ce qui se passe vraiment à l’intérieur. Si l’on en reste aux signes extérieurs, on en reste au stade du pur rituel sans âme. Il manque quelque chose. On n’en est resté qu’à l’enveloppe superficielle. On est insatisfait car on n’a pas encore touché l’essentiel, le noyau, le cœur.

C’est un peu la même chose que nous révèle la succession de la première lecture et de l’Evangile : dans la première lecture, on voit Moïse asperger le peuple du sang de taureaux. Par ce rituel, Moïse veut manifester l’Alliance que le Seigneur noue avec son peuple. Le sang est celui d’un animal, il est projeté sur l’autel et sur la surface de la peau des hébreux.

Dans l’Evangile, Jésus va beaucoup plus loin : il prend du pain, prononce la bénédiction, le rompt, le donne à ses disciples et dit « prenez, ceci est mon corps ». Puis, prenant une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donne et ils en boivent tous. Et il leur dit : « ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude ».

Ce n’est plus le sang d’un animal, mais c’est le sang même de la Divinité qui est offert. Jésus offre son propre sang, son propre corps.

En outre, ce sang n’est plus jeté à la face des hommes, il est absorbé par chacun des disciples. C’est à dire qu’il pénètre en eux, qu’il se mêle intérieurement à eux, que sa réalité vient les rejoindre au plus intime.

Etait-il possible de faire mieux comprendre combien cette nouvelle Alliance que Dieu scelle avec l’humanité est intime, profonde, combien elle engage Dieu, combien elle est irréversible ?

Voyez-vous, c’est comme lors d’un baptême : lors d’un baptême (11h00 : Raphaël et Valentine le vivront dans un instant), le ministre appose sur le front du nouveau baptisé une huile parfumée, bénie par l’évêque lors de la messe chrismale : le Saint-Chrême. Cette huile va pénétrer la peau, elle va se mêler au corps de celui qui reçoit cette huile. Vous pourrez toujours essuyer le surplus, la grande partie de l’huile restera dans la peau, mêlée à elle sans pouvoir en ressortir. Cette huile essaie de manifester que l’alliance que scelle le Seigneur avec nous est définitive, que l’amour qu’il porte à chacun est donné sans retour possible.

Pour concrétiser cette Alliance dans sa dimension la plus profonde, la plus forte, la plus engageante, Jésus a institué l’eucharistie.

Rendez-vous compte : notre Dieu se mêle à nous, la réalité du Créateur se mêle à sa création, Dieu se rend présent dans le pain et dans le vin, il se rend présent dans le fruit même du travail de sa créature. Dieu n’a plus rien de théorique ; il devient particulièrement concret. C’est le plus beau des sacrements, le Saint Sacrement.

Oui, notre Dieu se trouve vraiment présent dans l’hostie et le vin consacrés entre les mains du prêtre lorsque ses lèvres prononcent les paroles de Jésus : « Ceci est mon Corps », « ceci est mon Sang ».

Mais cette présence n’est pas destinée à s’arrêter là. Le Saint Sacrement est, au bout du compte, fait pour être mangé, distribué. Il n’est pas destiné à rester perpétuellement conservé dans le tabernacle, dans une boîte, comme dans un musée avec des visiteurs qui viendraient l’admirer comme on viendrait admirer la Joconde. La finalité ultime du Saint-Sacrement est d’être pris, d’être mangé, afin de se mêler à nous à la racine, et que nous devenions nous-mêmes les sacrements vivants de l’amour entier, total, présent, personnel de Dieu. Jésus l’a montré par son Incarnation. Le diacre (ou le prêtre) le rappelle aussi lors de la messe par la petite phrase qu’il prononce lorsqu’il prépare la coupe de vin : « comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité ».

Vous savez je crois qu’on peut dire qu’il est possible de faire preuve d’idolâtrie avec le Saint Sacrement : on a parfois l’impression que certains vouent un culte à l’hostie elle-même. Or ce n’est pas à l’hostie que l’on rend un culte, mais à Dieu le Père : on s’adresse au Père, par Jésus réellement présent, avec Jésus réellement présent, en Jésus réellement présent, et unis dans le Saint Esprit ; l’eucharistie est le moyen de rendre plus visible, plus palpable, plus accessible, l’Alliance que Dieu noue avec nous, le don total et sans retour de lui-même qu’il nous offre.

En fait, l’eucharistie est une vraie richesse car c’est un moyen inouï pour Dieu de se donner à voir d’une manière particulièrement concrète. Dieu se met à notre portée, se rend accessible, s’adapte à notre corps humain, à la capacité (limitée, à la différence des anges qui voient Dieu face à face) que nous avons de Le voir. C’est un merveilleux moyen, mais ce n’est pas le seul : il faut se rappeler que Dieu est présent non seulement dans l’hostie et dans le vin, mais aussi dans l’assemblée et dans la Parole, quoi que de manière non substantielle.

Comme la Parole et l’assemblée, unie dans l’Esprit Saint, que nous formons, l’eucharistie nous est donnée pour être nous-mêmes sacrement de Dieu, pour permettre à Dieu de se rendre présent, visible dans ce monde. Dieu se mêle à nous et nous le révélons par notre vie, nos gestes à nous, pour que nous soyons nous-mêmes en quelque sorte le sacrement de Sa présence.

Etty Hillesum, une juive hollandaise pendant la seconde guerre mondiale a écrit dans son journal des phrases dont la force peut nous aider à saisir un peu mieux l’importance toute simple finalement de l’alliance que Dieu veut nouer avec nous et dont l’eucharistie est le sacrement ; voici ce qu’elle écrivait :

« Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire : ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte : un peu de toi en nous, mon Dieu. »

Lorsque j’ai fait mon service militaire, il y a 20 ans de cela, l’un de mes camarades, incroyant, me disait qu’il trouvait que Mère Térésa de Calcutta était une femme extraordinaire, mais il lui reprochait de ternir son action par le fait qu’elle agissait pour Dieu. Je trouve ça très parlant : comment voulez-vous séparer les deux ?! Ce n’est pas possible : les gestes eux-mêmes sont ici des révélateurs. Comme le dit Danone : « Ce qui se fait à l’intérieur se voit à l’extérieur ».

C’est pourquoi il y a une cohérence à avoir entre notre vie et l’eucharistie.

L’eucharistie nous aide à être les signes révélateurs de la présence réelle de Dieu dans le monde ; en nous approchant de l’eucharistie, nous manifestons notre désir de mimétisme avec Dieu, nous engageons une démarche volontaire de tourner tout notre être, toute notre vie dans le sens de l’amour, tel que Dieu nous l’a montré.

C’est particulièrement fort pour ceux qui sont concernés par le sacrement de mariage : lorsque des fiancés décident de se donner le sacrement de mariage, ils montrent cette même volonté de conformer leur vie à cet amour de Dieu. Lorsqu’une personne mariée s’approche de l’eucharistie, elle met en cohérence son amour d’époux et cet amour divin, l’un et l’autre se révèlent et s’alimentent.

Pour autant, cela signifie-t-il qu’une personne qui a vécu un divorce et a fait le choix de se remarier est devenue incapable de révéler cet amour de Dieu ? Absolument pas. Il lui faudra simplement trouver des signes adaptés, différents.

C’est pourquoi il est très important de se souvenir que Dieu est présent aussi dans notre Assemblée de baptisés, que Sa Parole est aussi nourrissante et donne la force de trouver dans notre quotidien les gestes les plus justes permettant à l’amour de Dieu de se propager sur la terre.

C’est pourquoi il est aussi important que nous manifestions notre communion baptismale en nous approchant tous de l’autel, quelle que soit notre situation : certains révèleront cette communion en recevant l’hostie, d’autres en recevant la bénédiction de Dieu par les mains du ministre.

Parce que tous ces sacrements que nous recevons, et auxquels nous contribuons, ne sont pas destinés à rester pour nous, ne sont pas destinés à rester statiques ; mais ils nous permettent de transmettre l’Amour, de l’offrir en cadeau au monde, d’alimenter cette circulation de Vie, et ils donnent alors la possibilité à Dieu de sauver le monde du péché dans lequel il se trouve prisonnier.

Grande est notre tâche ! Grande est la confiance que tu places en nous Seigneur ! Merci ! Alleluia !

Amen.

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