Jésus vient de nous parler du royaume de Dieu en évoquant le sénevé ou la moutarde, une plante potagère qui grandit vigoureusement et a de longues branches foisonnantes. Et c’est vrai que les fruits et les plantes sont souvent de bons moyens de nous aider à mieux percevoir quel est ce royaume et qui est notre Dieu.

Et ce moyen est effectivement de saison car, comme vous le savez, nous avons dépassé le milieu du mois de juin, et c’est l’époque d’une transition extrêmement CRUCIALE, DETERMINANTE ET VITALE (!) pour nous Français : le temps des fraises lentement s’achève pour céder progressivement la place au temps des tomates.

Je sais que nous sommes ici entre scouts et que vous partirez bientôt en camp, mais je ne vous parle pas ici ni des fraises Tagada que vous partagerez sûrement le soir sous la tente, ni du jeu de la tomate que vous les louveteaux et Jeannettes appréciez si souvent. Je vous parle ici de vrais fruits, ceux que la terre nous donne en cette saison du printemps et de l’été.

Qu’il s’agisse de fraises ou de tomates, il faut vraiment toujours bien choisir la variété du fruit que l’on achète : rien de meilleur qu’une tomate cœur de bœuf ou qu’une fraise Garriga (pardon, Garrigette !). Parce que vous l’aurez sûrement déjà remarqué, certaines fraises et certaines tomates que l’on trouve dans le commerce n’ont pas de saveur ; elles ont un goût d’eau. Pourquoi ? Tout tient dans la manière dont leur croissance a été accompagnée.

Nous sommes faits pour croître, pour grandir. Comme un cèdre du Liban, comme un palmier, comme une plante. Mais vous le savez, une fois qu’on a semé une graine en terre, il faut patienter, et persévérer pour qu’elle pousse. Il faut du temps. Tirer sur la plante ne la fera pas pousser plus vite. Et si on force la croissance, on obtient quelque chose de fade comme certaines fraises. Or nous ne sommes pas faits pour être sans saveur.

Vous les scouts les plus grands, vous l’équipe de tête, vous avez un grand rôle à jouer : tout le mouvement scout repose sur vous : vous aidez les plus jeunes à grandir. Une graine a été semée, et vous êtes en charge d’accompagner son mouvement de croissance ; cet évangile est donc pour vous !

Dieu est comme cette petite graine. Dieu discret, pas plus gros qu’une graine. Si en toute liberté nous le laissons grandir, il foisonnera et grandira avec nous et il nous fera porter du fruit.

Le règne de Dieu, c’est donc une relation au long cours avec Dieu, c’est une relation à vivre, une relation de croissance continue qui prend son temps. Comme la semence germe et grandit « on ne sait comment » (dit l’évangile), nous pouvons nous émerveiller devant le miracle de la vie. Quand on est parent, et certains d’entre vous le seront sans doute un jour, on voit ses enfants grandir, « on ne sait comment ». Et soi-même, on grandit, « on ne sait comment »…

Même quand nous dormons, même sans rien faire, nous sommes aimés, nous grandissons. Un verset du psaume 26 nous le dit bien : « Dieu comble son bien-aimé quand il dort. »

Nous ne faisons qu’accompagner un mouvement inéluctable de vie, un mouvement mystérieux dont Dieu est le seul maître. Cet accompagnement, nous devons le vivre de manière active. La graine de moutarde qui s’est déployée, elle a trouvé un moyen de servir : accueillir et protéger les oiseaux du ciel.

Connaissez-vous la légende du colibri ? C’est une légende des indiens d’Amérique.

Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »

 Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. »

Comme le colibri l’a fait, à nous de discerner l’orientation à donner à l’élan de vie qui nous anime. A quoi allons-nous servir ? Comment allons-nous servir ?

Nous sommes faits pour grandir, et être moissonnés un jour pour nourrir quelqu’un, pour servir quelqu’un. Si, effectivement, nous ne maîtrisons pas le « comment » de notre croissance, nous pouvons tout de même orienter notre vie, nous pouvons lui donner un sens.

A nous aussi de semer des graines, même si nous ne les verrons peut-être pas porter leur fruit et si d’autres que nous les moissonneront. Semons les graines de Dieu : des graines de joie, des graines de paix, des graines d’attention à l’autre. Nous semons, nous jetons la semence, parfois nous moissonnons, mais pour la croissance, c’est le Seigneur seul qui agit ; nous-mêmes n’avons pas à agir.

Tout au long de l’année, vous avez vu chacun de ceux qui vous ont été confiés grandir, changer, se révéler… un peu, beaucoup, ou pas. Parfois, le découragement a pu se faire sentir. Il a fallu (et il faut toujours) garder courage et se rappeler que le Seigneur s’occupe de nous et nous accompagne, même si nous ne le voyons pas.

Vous vous apprêtez à partir un camp et là-bas, vous découvrirez des choses nouvelles : un nouvel environnement, de nouveaux paysages, de nouvelles rencontres. Même au sein des unités, les liens seront différents ; vous découvrirez de nouvelles facettes de l’autre. Rappelez-vous alors que nous sommes tous en chemin de croissance « on ne sait comment ». Comme vos chefs et vos parents l’ont été et le sont dans leur vie et à votre égard.

Et comme c’est demain la fête des pères, nous pouvons dès maintenant penser à nos papas et prier pour eux ; nos papas nous aident à grandir, eux-mêmes ont eu à grandir comme un cèdre du Liban, comme une graine de sénevé et à devenir une plante capable d’offrir à leur enfant, à nous, une ombre rafraichissante et protectrice. Nous pouvons confier nos papas à Saint Joseph, dont le nom signifie en hébreu « l’Augmentant » : prions pour que chacun de nous soit augmenté, devienne plus grand, plein de saveurs, de goût et de fruits selon le cœur de Dieu et les offre en chaque saison à ceux qui nous sont confiés.

Amen

PS : Homélie prononcée à l’occasion d’une messe d’envoi en camps d’un groupe SUF.

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