Chers scouts,

J’aimerais vous proposer une petite expérience. Je vous invite à toucher la paume d’une de vos mains avec l’index de l’autre ; puis vous faites la même chose avec l’autre index. (…) Maintenant, fermez vos poings en croix comme si vous pressiez sur votre cœur. (…). Puis, tournez-vous vers votre voisin le plus proche et pointez votre index dans sa direction.

Voilà ce que ça donne (refaire les 3 gestes).

Vous venez de dire à votre voisin : « Jésus t’aime », en langue des signes, de la même façon qu’un muet l’aurait fait à un sourd.

Voyez-vous, les sourds et les muets ont un handicap de la parole et de l’ouïe. Sans cette langue des signes, ils ne pourraient pas communiquer aussi facilement ; ils seraient totalement isolés et ne pourraient pas être en relation avec les autres.

Si vous aimez une personne, l’amour que vous portez à cette personne est bien réel ; mais il va falloir trouver un moyen de rendre cet amour concret pour la personne que vous aimez. Si vous aimez une personne sourde, par la langue des signes, vos sentiments, cet amour, deviendront concret, vous exprimerez que vous aimez réellement cette personne.

Eh bien, dans l’Évangile de ce jour, on peut dire que Jésus manie avec délicatesse le langage des signes !

Que se passe-t-il dans cet Évangile : c’est le dimanche soir après la mort de Jésus. Les disciples se sont rassemblés, probablement chez Jean au Cénacle, pour se serrer les coudes, pour se rassurer, car ils ont peur. Toutes les portes sont verrouillées, fermées à clés pour se protéger. Ben oui, ils ont vu ce qui est arrivé à Jésus, ils ont vu comment Jésus a été torturé, et tué, ils ont vu les souffrances que Jésus a endurées ; et ils craignent de subir le même sort, ils craignent pour leur vie. Et Jésus n’est plus avec eux pour les protéger. Ils se retrouvent seuls, tout seuls. Ils ont peur, ils se cachent, ils se verrouillent, ils se terrent.

Et voilà que Jésus se trouve au milieu d’eux ! Et il commence à utiliser le langage des signes :

Il utilise le signe de la parole ; il trouve les mots qui conviennent pour rassurer ses disciples, eux qui se trouvaient dans la peur et l’angoisse : « la paix soit avec vous » ; et aussitôt, en présence de Jésus, les disciples passent de la peur et de l’abattement à la joie.

Puis Jésus utilise le signe des gestes : il leur donne à voir ses plaies pour leur donner confiance ; il leur propose de le toucher ; il souffle sur eux, c’est-à-dire que les disciples sentent le souffle de Jésus sur la peau de leur visage. Il leur offre l’Esprit Saint qui leur donne une force concrète, la force de sortir de leur enfermement, la force d’agir sur le péché et sur le mal, la force de ne plus en être les victimes.

Bref, Jésus donne aux disciples une flopée de signes visibles, tangibles, une variété de signes que les disciples peuvent capter par leur sensibilité, des signes qu’ils peuvent percevoir par les sens de leur corps, la vue, l’ouïe, le toucher.

Thomas, lui aussi a besoin de sentir les choses, il a besoin d’un peu de concret, de tangible. C’est tellement incroyable d’entendre que ce Jésus, qu’il a vu être tué, est à nouveau vivant ! Il lui faut des signes.

Et c’est bien normal. Et c’est aussi le cas pour nous aujourd’hui. Nous aussi, nous avons besoin de signes. C’est vrai, nous ne voyons pas Jésus comme les apôtres l’ont vu, mais nous Le connaissons grâce aux Évangiles et aux témoignages des apôtres. Mieux encore : les disciples, eux, découvraient tout juste ce que Jésus était venu signifier ; mais nous, nous bénéficions de leurs découvertes et de tout ce que l’Église a découvert depuis.

Et qu’est-ce que Jésus est venu signifier ? Que son Père, ce Dieu qui nous a donné la vie, lui qui, avec l’aide de notre papa et de notre maman, nous a donné d’exister, oui ce Père nous aime d’un amour infini, personnel, gratuit, et que rien ne pourra enlever. D’un amour tellement fort qu’il va jusqu’à la communion profonde. Lui l’Amour en personne, le Dieu éternel, le tout puissant, lui qui sait tout de toute éternité et pour l’éternité, il s’est incarné, il a pris la chair d’un petit d’homme limité. Par Jésus, Dieu a mêlé sa divinité cosmique à notre petite humanité. N’est-ce pas un signe fort d’amour ?

Dieu, dans sa miséricorde, sait que nous avons besoin de ces signes. Et il nous en donne plein ! Mais souvent nous ne les regardons pas.

Il y a deux semaines, à l’occasion d’une retraite, j’ai rencontré une femme. Elle s’appelait Martine. Elle m’a raconté son parcours, son enfance violentée, les humiliations que sa maman lui faisait subir, son parcours dans la police, son épuisement. Martine, un jour, n’en pouvait plus de vivre cette vie trop dure pour elle. Elle avait décidé de mettre fin à ses jours. Mais sans savoir pourquoi, elle qui n’avait jamais entendu parler de Dieu, est entrée dans une église. Il y avait une messe à ce moment-là. Elle a été littéralement percutée par les propos qu’a tenu le prêtre dans l’homélie et est tombée en larmes. A l’issue de la messe, une personne est venue la rejoindre et l’a aidée. Sans ces rencontres totalement inattendues, Martine ne serait plus vivante. Au travers de ces rencontres, de ces hasards, Dieu lui a montré qu’il prenait soin d’elle, qu’il s’occupait d’elle d’une manière toute particulière. Elle est même allée jusqu’à pardonner à sa maman tout ce qu’elle avait subie.

Dieu était présent dans sa vie et elle l’a découvert. Mais par son témoignage, elle m’a aussi fait comprendre que Dieu agissait dans la mienne, à un moment où je me posais moi-même des questions sur ma vie.

Mes amis, notre Dieu n’est pas un Dieu évanescent, lointain et qui regarde du haut de son trône le reality show de notre vie, en bouffant du pop-corn, et en se marrant doucement des malheurs qui peuvent nous arriver. Notre vie, ce n’est pas Secret Story. Dans la vraie vie, dans celle de Martine comme dans la nôtre, Dieu nous rejoint. Concrètement, réellement.

Il y a quelques années, peu de temps après mon ordination, je discutais avec Caroline, l’épouse d’un des diacres de notre diocèse. Elle me racontait qu’elle avait été protestante et qu’elle s’était convertie au catholicisme. Ce qui m’a vraiment étonné, c’est la raison qu’elle a évoquée : elle m’a dit que le catholicisme lui révélait que la foi était quelque chose de concret, de tangible, de réel ! Elle a compris que « croire » n’avait rien à voir avec une idéologie et ne se réduisait pas à de grands principes théoriques, ni même à de bonnes valeurs morales. La foi se trouvait nourrie de gestes concrets, de signes adaptés, qui la rejoignent vraiment dans toutes les dimensions de sa vie. Elle voit bien que Dieu se fait tout proche ; elle a goûté la présence aimante de Dieu.

Ce que Caroline m’a fait comprendre, c’est la force des sacrements. Vous savez ce qu’est un sacrement ? C’est un geste et une parole qui rendent visible et tangible une réalité qu’on ne voit pas : Dieu passe son temps à nous faire des cadeaux : il nous donne la vie, il nous donne l’Amour, il nous ouvre des portes, il nous donne tout ce qu’il faut pour vivre une vie pleine, pas demi-mesure de vie. Les sacrements rendent ces dons concrets.

Voyez, ne serait-ce que pendant cette messe, tous nos sens sont mis à contribution pour nous aider à percevoir la présence de Dieu parmi nous : nous entendons la Parole même de Dieu par les lectures et l’Évangile, nous voyons le corps de Dieu dans l’Assemblée que nous formons ici, nous touchons le corps du Christ sous les espèces du pain et du vin, nous le mangeons et en avons le goût, et lorsque nous brûlons de l’encens, nous essayons de sentir le parfum de Dieu.

Oui, Saint Thomas a bien raison : nous avons besoin de concret. Nous avons besoin de sentir l’amour concret de Dieu dans notre monde et pour ce monde. Pour cela, Dieu avait besoin d’un corps. Et nous sommes devenus son corps. C’est par nous, par nos vies, par nos gestes, que le Seigneur se manifeste le mieux. Selon une expression que j’aime bien, c’est par notre vie que l’Esprit Saint peut désormais toucher terre. C’est le moyen que Dieu a choisi. Si l’Amour ne s’incarne pas en nous, si nous ne permettons pas à l’Esprit-Saint de prendre sa place dans nos choix de vie, alors le Seigneur n’aura pas la possibilité d’agir concrètement dans nos vies. Il paraitra lointain, mais en réalité, c’est nous qui l’aurons laissé à la porte de notre vie.

Ceux qui parmi vous prennent le métro ces temps-ci ont certainement vu la publicité pour le nouveau jeu vidéo « Far Cry ». Il est marqué sur les affiches : « Prêt pour la fin du monde ? ». Cette question est mal posée : la vraie question à poser, c’est plutôt : « prêts à bâtir un nouveau monde ? ». Un monde où l’Amour est au centre ? Ce n’est pas un choix facile et, quand on l’a fait, il a constamment besoin d’être renouvelé. Certains (et il y en a parmi vous) n’ont pas fait de rencontre personnelle avec le Christ. Ils peuvent évidemment aussi manifester de l’amour concret autour d’eux. Mais lorsqu’on s’abreuve directement à la source de l’Amour, notre engagement est facilité et nos décisions sont sûres d’être justes : c’est justement en nourrissant notre relation à Jésus, c’est en cherchant à être toujours plus proche de Jésus, c’est en parlant à Jésus par la prière et en accueillant l’Esprit-Saint qu’il nous envoie que nous saurons poser les meilleurs gestes permettant de bâtir ce nouveau monde, ici et maintenant.

Pour conclure, permettez-moi de vous partager une prière que j’ai adressée au Seigneur alors que je revenais d’une retraite dans un monastère et que je n’avais vraiment pas envie de rentrer et repartir travailler. J’ai demandé une chose au Seigneur : « OK, Seigneur pour être dans le monde ; OK pour y retourner. Mais SOIS AVEC MOI dans ce monde, afin que ce monde soit concrètement touché de l’Amour, de Ton amour, cet amour qui redonne vie lorsque tout est mort ou pénible ».

Sans l’amour, le monde est dur à vivre. Rendre concret cet amour par la langue des signes, c’est notre tâche, notre mission.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.