Je ne peux pas m’empêcher de m’émerveiller devant tant de persévérance et de patience de la part du Seigneur : que d’efforts pour qu’une première rencontre puisse se faire un jour avec Lui dans la vie de quelqu’un !

Excusez du peu :

  • Samuel dans la première lecture ? Il faut que le Seigneur s’y reprenne à 4 fois pour que finalement une rencontre ait lieu.
  • Le prêtre Eli ? Il faut 3 réveils successifs pour qu’il comprenne que le petit Samuel est appelé par le Seigneur pour une relation spéciale.
  • Et Jean-Baptiste dans l’Evangile ? Il annonce : « voici l’agneau de Dieu » mots bibliques qui lui permettent de désigner le messie. Mais en réalité, l’Evangile nous dit qu’il avait déjà dit la veille en montrant Jésus : « voici l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde ».

Quelle délicatesse de sa part ! Manifestement, le Seigneur ne souhaite brusquer personne pour entrer en relation avec Lui ; il laisse chacun avancer au rythme qui lui convient.

C’est vrai que rencontrer le Seigneur, ça peut mettre du temps. Mais ça change la vie : c’est ce que nous voyons au travers des textes que nous venons d’écouter. Trois récits (la première lecture, le psaume et l’Evangile) montrent la première rencontre que font des hommes (Samuel, André et Simon-Pierre et le psalmiste) avec le Seigneur. C’est l’occasion de nous arrêter sur ce que le Seigneur nous dit de ces rencontres avec Lui, et de nous pencher sur celle que nous-mêmes avons pu faire avec Lui.

Que voit-on à propos de cette rencontre ?

En premier lieu, nous voyons que cette rencontre se fait d’abord dans l’intimité du cœur : je ne sais pas si vous avez remarqué que, lorsqu’on regarde l’expérience de Samuel et celle d’André, on ne sait pas ce qui se dit entre eux et le Seigneur. Cela relève de l’intime, de l’expérience profondément personnelle. Le psalmiste le dit très bien : « Mon Dieu, voilà ce que j’aime : ta loi me tient aux entrailles ».

Cette rencontre avec le Seigneur est aussi une rencontre très simple :

C’est une rencontre en prise directe entre la créature et le Créateur de l’univers et du cosmos (c’est du lourd quoi !)… et pourtant, ça se passe dans une simplicité et une paix impressionnante : « ‘’venez et vous verrez.’’ Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là. ». Tranquille !

Et pour Samuel : « parle, Seigneur, ton serviteur écoute. ». C’est tout simple !

Vraiment, avec le Seigneur, la rencontre est d’une grande simplicité. Ce n’est pas une expérience magique ou ésotérique ni théorique ; c’est concret et incarné : pour rencontrer le Seigneur, Samuel n’a pas choisi un lieu différent ; il est retourné « se recoucher à sa place habituelle ».

C’est aussi une rencontre forte et intense : Simon change de nom, et devient Képhas.

On change de nom afin de marquer que quelque chose (une rencontre, un événement) révolutionne notre vie, qu’une nouvelle vie commence, qui ne peut plus être comme avant. Cela signifie que nous sommes touchés dans notre identité profonde. C’est ce que font parfois certaines personnes au moment de leur baptême. Le changement de nom manifeste que notre désir de vie, notre espérance sont comblés ; reprenons les mots du psalmiste : « d’un grand espoir, j’espérais le Seigneur ».

Pensez-vous qu’André et l’autre disciple (on dit que c’est l’évangéliste Jean) se seraient lancés dans cette aventure, quitter leur métier de pêcheur, leurs ressources pour suivre un inconnu, si l’annonce de Jean-Baptiste ne répondait pas à un désir extrêmement profond ?

Ils ont dû se dire : « Enfin ! c’est lui ! Voici celui qui va me montrer le chemin du bonheur, le chemin de la vérité. Avec lui, ma vie va trouver son accomplissement. »

André et Simon-Pierre se sont laissés guider par leur espérance d’une vie nouvelle ; ils ont accepté d’entrer sur un chemin risqué, inconnu. Ils sont partis à l’aventure. Et ils ont creusé. Et ils ont approfondi cette rencontre. Et ils ont cherché à en savoir plus : « où demeures-tu, Jésus ? »

Cette rencontre intime, simple et forte, c’est une rencontre durable. Elle n’a pas un effet éphémère. Ce n’est pas un feu de paille. Ceux qui vivent cette première rencontre avec le Seigneur veulent s’ancrer dans la durée : le jeune Samuel (c’était un jeune garçon au moment de sa rencontre) est accompagné par le Seigneur tout au long de sa croissance : le texte nous le dit : « Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui, et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet ».

Quant à André, dans l’Evangile, il emploie le verbe « demeurer » dans sa question : « Rabbi […], où demeures-tu ? ». On y sent très bien une idée de permanence, de stabilité dans la durée.

Cette rencontre avec le Seigneur, c’est une rencontre personnelle, c’est vrai, mais cette rencontre a aussi une dimension communautaire. Elle ne concerne pas que nos petites personnes et nous n’aurions sans doute pas la possibilité de la vivre si nous étions tous seuls. On le voit ici : Samuel a pu rencontrer le Seigneur parce qu’Eli l’a guidé. Et sans Jean-Baptiste, André et l’autre disciple n’auraient pas suivi le Jésus. Mais nous pourrions donner des centaines d’exemples du même acabit : Philippe qui ouvre la porte de la rencontre à l’éthiopien, Ananie qui introduit Paul, complètement sonné, dans sa rencontre avec le Christ. Et aujourd’hui, c’est le rôle des parrains et marraines au baptême.

Eli et Jean-Baptiste sont intervenus parce qu’ils sont eux-mêmes marqués par la rencontre qu’ils ont eux-mêmes fait avec le Seigneur. D’une manière ou d’une autre, cette rencontre est donc toujours féconde. Dans la première lecture, on lit que le Seigneur était avec Samuel « et il ne laissa aucune de ses paroles sans effet ». André, lui, emmène son frère Simon rencontrer Jésus, il partage avec lui sa joie d’avoir trouvé le Messie. Il lui fait cadeau de sa découverte.

Vous le voyez, quelle richesse dans une telle rencontre avec le Seigneur ! On comprend mieux pourquoi le Seigneur laisse le temps aux uns et aux autres de s’y préparer.

Cependant, ne sommes-nous pas prêts pour cette rencontre ? Faut-il encore attendre ? Et si nous demandions au Seigneur de renouveler la première rencontre que nous avons eue avec Lui, ou de faire l’expérience d’une telle rencontre si nous ne l’avons pas encore vécue ? Si nous Lui demandions de nous enseigner, à sa façon, la démesure de l’amour dont la puissance infinie et l’intensité se révèlent… dans un petit agneau ? Si nous disions tout simplement au Seigneur : « Parle, ton serviteur écoute », « Seigneur, me voici, je viens », « Seigneur, je viens, je me présente à ton amour, montre-moi où je peux te rencontrer. »

Que risquons-nous ? Le seul risque véritable que nous prendrons, c’est d’entrer dans un amour qui déborde et qui dépasse notre propre petite personne.

Voyez-vous, ce dimanche, c’est la journée mondiale de prière pour les personnes migrantes et pour les réfugiés. Comme André et Simon-Pierre qui ont tout quitté pour partir à l’aventure avec Jésus, ces personnes sont elles aussi parties sur des voies inconnues, souvent dangereuses, parfois mortelles. Elles aussi aspirent à une vie nouvelle et meilleure ; pour cela, elles quittent la guerre ou la misère.

Mais, au delà des motivations matérielles ou de survie, ces personnes aussi sont portées par ce qui anime tout être humain au fond de lui : aimer, être aimé, être heureux profondément. Etre sauvé.

En fait, c’est le Paradis que nous cherchons tous ! C’est exactement ce que Jésus nous offre lorsque nous le rencontrons : le paradis, c’est là où le christ demeure ; « Où demeures-tu ? » demande André ; la réponse qu’il découvrira, ce n’est pas l’adresse postale du logement de Jésus, ce n’est pas l’église Notre Dame des Pauvres ; ce n’est pas non plus le nirvana ou tout autre nom ésotérique que l’on donnerait à un « ciel » déconnecté de la terre.

Le paradis c’est là où Jésus se tient présent, vivant, en relation avec nous : c’est dans notre cœur profond, dans notre principe de vie, dans notre âme. C’est aussi dans nos relations humaines, dans nos amitiés fraternelles, dans notre famille, dans les services que nous rendons.

Il nous appartient d’offrir au monde cette joie de connaître la Voie qui mène au bonheur, de contribuer à vivre une telle rencontre : à nous de dire « viens et vois » à l’étranger et à toute personne que nous rencontrons, quelles que soient son histoire et ses motivations. A nous de le guider vers ce paradis s’il se sent prêt à la rencontre !

Faisons-le de manière charnelle, de manière incarnée puisque c’est ainsi que cette rencontre se fait : nous avons entendu « parle », « écoute », « venez », « voyez »… Montrons donc le paradis avec nos paroles, avec notre écoute, avec notre accueil, avec la force de notre regard empli de l’amour du Christ, avec tout ce que nous pouvons donner.

Oui ! Soyons des introducteurs pour cette rencontre de nos frères avec le Christ sauveur, comme Eli l’a fait avec Samuel, comme Jean-Baptiste l’a fait avec Jésus, comme André à l’égard de son frère pierre.

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