« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »…

Il y a quelques jours, j’ai reçu une publicité d’un opérateur de téléphonie mobile. Il proposait son forfait à un tarif exceptionnel à condition de se décider rapidement. Quelques jours plus tard, un de ses concurrents proposait à son tour son forfait mobile à un prix similaire, mais avec, paraît-il une meilleure qualité de réseau. Puis ce fut le tour d’un troisième de dégainer une proposition tout aussi alléchante, plus chère, mais sans limite dans le temps…

Bref, je ne rechigne pas à faire quelques économies, mais là j’ai hésité à me lancer dans une quelconque démarche ; à chaque nouvelle offre, je me demandais : « est-ce ce forfait que je dois prendre, ou bien dois-je en attendre un autre ? ».

On peut avoir une vision consumériste pour bien d’autres choses qu’un malheureux forfait de téléphone. Et même en termes de religion, on voit parfois des comportements assez versatiles. Certains chrétiens changent parfois régulièrement d’église pour constamment maintenir le niveau de sensations fortes. Ils choisissent alors leur église pour ce qu’elle apporte et en changent quand elle ne les émoustille plus.

Il me semble que l’évangile que nous venons d’entendre nous montre qu’il s’agit d’une fausse route. Une église qui fonctionnerait sur le mode de la séduction et sur le seul ressenti ne serait pas longtemps fidèle au Christ, parce que ce que nous recherchons est bien plus que la satisfaction immédiate de nos désirs en surface.

C’est vrai que, lorsque les disciples de Jean-Baptiste demandent à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? », celui-ci répond en citant des guérisons d’aveugles et de lépreux, des résurrections de morts et des pauvres qui se réjouissent…

On pourrait croire que Jésus attire le chaland par des actes spectaculaires ou même magiques.

En réalité, Jésus n’énonce pas cette liste de miracles pour séduire ou se faire mousser. Il cite un passage du livre d’Isaïe qui annonce les bienfaits du règne de Dieu. Il annonce que le temps du bonheur est arrivé ; mais attention ! pas le bonheur superficiel, pas le bonheur limité, pas le bonheur uniquement cantonné à la satisfaction des désirs de bien être !

Mais le bonheur intégral, le bonheur de notre être profond, le bonheur qui nous prend tout entier.

Ce bonheur est annoncé par la présence du Messie. Le bonheur est là parce que Dieu se fait tout proche. Et pas uniquement parce que le boiteux marche à nouveau.

Nous ne savons pas ce qu’est vraiment un tel bonheur intégral. Mais je crois que nous en pressentons la teneur, intuitivement, lorsque nous sommes dans la difficulté.

Quand nous sommes au fond du trou, l’appel au bonheur, l’appel à la vie se fait plus pressant. Nous portons un besoin profond d’être aimé, d’être libre, d’être heureux qui se révèle quand nous sommes dans l’impasse. « Je veux être un homme heureux ! », voilà ce que crient les poètes, les chanteurs et les amoureux éconduits.

« Je veux être un homme heureux ! », voilà aussi ce que crie Jean-Baptiste. Jean-Baptiste a voué sa vie à annoncer la venue du Messie, celui par qui chaque homme sera sauvé, libéré de ce qui l’entrave, et sera intégralement heureux. Toute son existence est tournée vers cette attente, vers cette venue. C’est le sens de sa vie.

Or il est au fond du trou, dans la prison d’Hérode Antipas et peut-être est-il touché par le doute : a-t-il prêché pour rien ? S’est-il fourvoyé pendant toutes ces années ? Il imagine un Messie fort, puissant ; il s’attend à voir un justicier venant avec le feu purificateur du ciel…

Et voilà que se présente… Jésus. Ce Jésus qui accomplit des miracles et des guérisons, mais qui parle d’amour divin, de miséricorde infinie du Père.

Jean-Baptiste entend parler des actes de Jésus. On peut comprendre qu’il frémisse d’impatience : serait-ce le Messie ? On comprend qu’il cherche à en avoir confirmation. Il a peur d’être déçu.

Et Jésus confirme en substance qu’il est bien le Messie, mais un Messie tellement différent de ce à quoi tout le monde, et même Jean-Baptiste, s’attendait !

Jésus n’est pas seulement venu pour guérir quelques-uns, mais pour répondre au désir de chaque être humain : être uni et comblé par l’Amour.

« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

En attendre « un autre » ? Mais pourquoi ?
Et surtout, qui ?? Jésus a tout donné, il montre la voie, il est avec nous. Que pensons-nous trouver ailleurs ?

Au fond, lorsque nous doutons, c’est souvent parce que nous attendons une libération sous une certaine forme et que Jésus déjoue nos pronostics.

Si nous doutons, c’est que quelque chose est mal placé, c’est que nous n’avons pas encore rencontré le vrai visage de Dieu, c’est que nous idolâtrons quelque chose d’autre que le Christ.

Dieu serait-il insuffisant au point que nous devions attendre un autre Messie ? Ne serions-nous pas en train de rêver à une autre vie ? Une vie sans limites ni pesanteurs ? Une vie sans corps, une vie d’ange et non plus une vie d’homme ? Ce n’est pas là que nous serons vraiment heureux.

Le paradis commence ici et maintenant : voici ce que disait Sainte Mère Térésa : « nous attendons avec impatience le paradis, là où est Dieu, mais nous pouvons être au paradis ici-bas et maintenant. Etre heureux avec Dieu signifie : aimer comme lui, aider comme lui, donner comme lui, servir comme lui ».

Dans ce temps de l’Avent, rappelons-nous combien notre foi est concrète. Rappelons-nous que nous sommes en marche vers Noël, fête de l’incarnation du Fils de Dieu, fête d’un Dieu qui se fait homme, fête d’un Dieu qui se fait proche jusque dans le quotidien le plus concret et le plus tangible de nos vies, fête d’un Dieu qui compte sur nous pour donner forme à son corps.

C’est toute la spécificité du catholicisme que de croire en l’incarnation d’un Dieu.

Rappelons-nous qu’au fin fond de nos enfermements, Dieu ne nous oublie jamais. Il ne nous laisse jamais seul. Il n’est pas en dehors des lieux où nous sommes, il vit, uni avec nous, les situations mêmes que nous vivons. On peut même dire qu’il est avec nous au milieu de notre péché, il tient notre main au fond de nos prisons.

Un Dieu comme celui-là ? Mais c’est vraiment celui qui doit venir ! Comment en attendre un autre ?

Amen

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