« L’éternité c’est long, surtout vers la fin » disait Kafka.

Et parfois, on se dit que le temps de Dieu est tout de même bien plus long que le notre…

C’est surtout quand on vit des choses difficiles, quand on vit des injustices, quand on pleure, quand on n’a devant les yeux qu’un avenir bouché, qu’on sent tout particulièrement que le temps est long…

Dans un sursaut de vie, et parce qu’on veut sortir de nos impasses, on crie vers Dieu. On l’appelle à l’aide, on peut se révolter face à notre vie injuste qui nous assène tant de difficultés à traverser. On crie vers Dieu.

Mais lui, écoute-t-il ? Entend-il ?

Dieu peut sembler bien silencieux, d’un silence parfois si assourdissant qu’on finit par douter de lui, de sa présence, de son attention pour nous. Et même de son existence.

Attendre la réponse de Dieu semble parfois interminable… Et pourtant cet évangile nous demande de continuer à tambouriner à la porte de Dieu, avec persévérance, comme cette veuve l’a fait à l’égard de ce juge, jusqu’à ce qu’il s’occupe de lui rendre justice.

Jésus nous pousse à crier notre besoin, à ne pas lâcher nos aspirations, à poursuivre et rechercher avec persévérance ce qui est juste et bon pour nous et à l’exprimer. Parce que la prière, au fond, n’est rien d’autre qu’une relation que nous avons avec quelqu’un, un dialogue, une conversation avec un tout Autre qui est en même temps un tout proche. Et dans cette conversation, on évoque TOUT ce qui est important pour nous.

Certains dénigrent le fait de prier pour demander des choses matérielles (comme si nous étions nombreux à prier pour demander à gagner au loto). Evidemment, Jésus ne promeut pas un Evangile de la « prospérité », où le succès serait la preuve que son Père exauce nos demandes ; mais il n’a jamais dénigré nos demandes matérielles.

Je crois, au contraire, que notre foi nous incite à être très concret dans notre prière, pour que notre prière soit ancrée dans le réel de notre vie. On emploie parfois l’expression « bassement matériel », mais si l’on est catholique, c’est plutôt « hautement matériel » qu’il nous faudrait dire. Car justement, nous croyons en un Dieu qui s’est incarné, qui a eu un corps. Jésus n’a pas fait semblant d’être un homme : lui aussi a eu faim, lui aussi a eu soif, lui aussi a eu froid, a eu besoin d’un toit, a eu mal, a eu besoin de se reposer quand il était fatigué.

En regardant par les évangiles cette vie très concrète que le Christ a vécue et en regardant sa relation à Dieu, on comprend qu’on peut parler à Dieu de TOUT ce qui fait partie de notre vie. Le Seigneur aime résolument TOUT en nous, sans aucune exception. Il prête attention à TOUTES les composantes de notre être, y compris nos besoins matériels. Et il le fait à chaque seconde de notre vie. La foi réside dans cette relation d’amour total, réciproque, avec Dieu. Et le fait de persévérer dans la prière manifeste cette foi.

Prier, c’est d’abord manifester que Dieu est là. Oui, il est présent au milieu de nous, en ce moment. Rappelons-nous : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». Dieu est donc présent là avec nous. Prenons-en conscience.

La prière manifeste aussi que nous avons foi en la bonté de Dieu. Quand on prie, on croit (ou on veut croire) que Dieu nous entend, nous écoute, et … nous exauce ( !), quelle que soit la forme de sa réponse. Si je suis malade, c’est dur ; si je crie vers le Seigneur, la première manière qu’il aura de me montrer qu’il m’a écouté, c’est peut-être déjà en me permettant de vivre une relation d’amour et de confiance. Les médecins me soignent, mais cette maladie serait un véritable enfer si j’y étais seul, si je ne comptais pour personne ; et combien il est bon d’avoir sur sa route un appui, une aide, une parole qui fait du bien, qui rassure, qui accompagne. Prier, c’est autoriser Dieu à manifester sa bonté dans notre vie.

Prier est aussi signe d’une grande espérance, et d’une confiance dans le fait qu’existe un fond de bonté dans le cœur de chacun, même chez les pires crapules. Et que ce fond de bonté n’aspire qu’à émerger. C’est manifester que rien n’est jamais perdu, rien n’est jamais fini, rien n’est jamais trop tard pour Dieu. Que chacun peut changer, peut se laisser prendre par la grâce ; il y en a des millions d’exemples depuis 2000 ans : Zachée, Saint Augustin, le criminel condamné à mort pour lequel Ste Thérèse a prié en cachette et qui s’est converti au moment d’être guillotiné, et nombre de personnes parmi nous qui dérivaient dans leur vie et qui ont changé de direction au contact de l’amour.

En d’autres termes, en priant, on témoigne que la résurrection, la victoire définitive de la vie sur la mort, c’est vrai, c’est possible !

Peut-être est-ce le cas du juge cynique et égoïste de l’Evangile : et si cet effort, fait sous la pression et par intérêt, avait transformé son cœur, avait changé toute sa vie ? Finalement, la persévérance de cette veuve, dans la patience, c’est un signe d’amour pour son frère : en lui permettant d’exercer la justice, cette veuve donne une chance à ce juge de s’arracher à une vie fermée sur lui-même, elle l’aide à entrer dans une relation avec Dieu et avec ses frères humains, là où la vie peut jaillir. Par sa prière, elle a donné une chance à l ‘amour de se propager.

Nous le voyons, en priant, nous accomplissons bien plus qu’ouvrir une porte vers la satisfaction d’un besoin immédiat : nous contribuons à sauver le monde, à le sortir de la spirale du péché. Si nous ne prions pas, cela ne se fera pas. Et le réalisme, c’est que moins on prie, moins on a envie de prier…

C’est en priant les uns pour les autres que chacun de nous pourra affirmer avec assurance : « oui, quand tu viendras Jésus, je suis sûr que tu trouveras la foi sur la terre ! »

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