Aujourd’hui, c’est le dimanche appelé « dimanche du bon pasteur » et c’est l’occasion de prier tout particulièrement pour les vocations ; et en particulier pour les vocations en faveur des ministères ordonnés (évêques, prêtres et diacres) et des vies monastiques et consacrées (moines et moniales, religieux et religieuses, vierges consacrées). Cette fête des vocations, c’est la fête des appels à donner sa vie par amour.

Malheureusement, pour moi, cette fête a une résonnance assez triste aujourd’hui, au regard des agissements de quelques prêtres qui ont dénaturé leur vocation et à propos desquels l’Eglise de France a annoncé de nouvelles mesures cette semaine.

A l’égard de ces agissements et de leurs conséquences, les mots de la prière qu’a prononcée le Pape François il y a deux ans au mémorial de Yad Vashem, en Israël, me reviennent en mémoire :

« « Adam, où es-tu ?”.
Où es-tu, homme ? Où es-tu passé ?
En ce lieu, mémorial de la Shoah, nous entendons résonner cette question de Dieu : “Adam, où es-tu ?”.
En cette question il y a toute la douleur du Père qui a perdu son fils.
Le Père connaissait le risque de la liberté ; il savait que le fils aurait pu se perdre… mais peut-être, pas même le Père ne pouvait imaginer une telle chute, un tel abîme !
Ce cri : “Où te trouves-tu ?”, ici, en face de la tragédie incommensurable de l’Holocauste, résonne comme une voix qui se perd dans un abîme sans fond…
Homme, qui es-tu ? Je ne te reconnais plus.
Qui es-tu, homme ? Qu’est-ce que tu es devenu ?
De quelle horreur as-tu été capable ?
Qu’est-ce qui t’a fait tomber si bas ? »

Cette « douleur du Père qui a perdu son fils », que ce fils soit l’auteur du mal ou sa victime, est présente avec une intensité toute particulière dans ces situations que l’actualité met au premier plan. C’est la même douleur que Dieu vit à l’égard de ses fils perdus, arrachés de lui. On aura beau dire que le prêtre est un homme « comme les autres », on pourra toujours essayer de ne regarder que le plan psychologique et affectif, il n’en demeure pas moins que les agissements d’un prêtre ont une portée sans commune mesure avec ceux, identiques, que pourraient pratiquer tant d’enseignants ou même tant de pères de famille.

Pourquoi ? Parce que le prêtre est plus proche qu’aucun autre de cette phrase de l’évangile d’aujourd’hui : « Le Père et moi, nous sommes UN. »

Non pas qu’il soit un être différent, mais objectivement parce qu’à certains moments très précis de sa vie (tels que celui où il prononce les paroles de la consécration de l’eucharistie), il agit in persona Christi, et le Seigneur le traverse d’une manière toute particulière afin de nous rejoindre.

Ainsi, ces mains qui portent le corps du Christ, qui agissent d’une manière tellement unie au Christ, se détournent de leur vocation pour abîmer le cœur d’un enfant. On pourra toujours insister sur le fait que le prêtre est un homme comme un autre, ses péchés font plus de mal que ceux des autres.

L’onde de choc d’un péché est d’autant plus grande que nous touchons à un amour plus fort. Oui, plus nous aimons, plus nous nous blessons vivement. Plus l’amour est intense, plus nous sommes blessés par la chute de ceux et celles qu’on aime. En d’autres termes, la douleur de l’arrachement révèle la force du lien, l’intensité de la relation qui lie deux êtres.

C’est en regardant la douleur que provoquent ces agissements de prêtres que l’on peut comprendre combien l’évangile d’aujourd’hui est une vraie déclaration d’amour : « Mes brebis écoutent ma voix, moi je les connais et elles me suivent. Jamais elles ne périront et personne ne les arrachera de ma main…. Personne ne peut les arracher de la main du Père. »

Cet évangile exprime tout l’amour bienveillant que le Christ et son Père nous portent, leur projet d’amour à notre égard : ils veulent nous donner le meilleur, et ce meilleur, c’est une vie éternellement en lien avec eux, une relation que rien ne pourra détruire, une communion d’amour profonde à laquelle nous ne serons jamais arrachés.

Non pas que cette vie ne connaîtra plus de grandes douleurs, car une vie en plénitude, sans demi-mesure, contient de grandes douleurs et de grandes joies, mais une vie finalement heureuse parce que vraiment branchée à la bonne source, orientée vers sa vocation profonde : être unis à Jésus et, par lui, à son Père, comme lui-même est uni à son Père !

Cette union d’amour entre Jésus et son Père n’a pour objectif que de s’étendre à tous, sans limite de temps ni d’espace. S’étendre par mimétisme, par transmission, par contagion. Une épidémie d’amour ! Un gigantesque sauvetage face à la mort, face au mal !

C’est ce que nous montrent Paul et Barnabé dans la première lecture : que font Paul et Barnabé ? Ils évangélisent, ils transmettent la Parole de Dieu à ceux qui ne la connaissent pas. Et que se passe-t-il ? « en entendant cela, les païens étaient dans la joie » « Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région ».

Evangéliser, c’est ne plus avoir peur d’annoncer la Parole de Dieu, c’est ne plus avoir peur de donner de la joie, une joie communicative qui se répand comme un feu. C’est croire que cette Parole transforme le monde et fait reculer la souffrance car le péché de l’homme est à l’origine de la plupart de cette souffrance.

Quand St Ignace envoie St François-Xavier en Orient, il lui dit : « Va enflammer le monde ! » Voilà ce que nous devons faire. Voilà ce que nous devons devenir : des feux qui allument d’autres feux. Soyons des pyromanes ! Soyons des porteurs de feu. Le feu, si vous en dispersez les flammes, allumera d’autres foyers et se répandra.

Vous le comprenez bien, évangéliser n’a rien à voir avec du prosélytisme. Il ne s’agit pas de convaincre, mais de témoigner de ce qui nous anime et d’ouvrir une porte pour une rencontre personnelle. C’est contribuer à ce que Jésus soit un amour et non une théorie.

Par notre baptême, nous avons été faits comme Saint Paul « lumière des nations, pour que, grâce à nous, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre ». C’est à chacun de nous qu’est confiée la tâche de contaminer de joie de nouvelles terres. Parce que nous avons foi en cet amour que le Christ et son Père nous portent et auquel nous ne serons jamais arraché.

Mais comme nous devenons parfois des feux tièdes, des pétards mouillés difficiles à allumer, nous avons besoin d’être aidés à rester branchés à la source, nous avons besoin de guides, configurés au Christ pour agir comme lui, nous avons besoin de pasteurs qui, comme Jésus, connaissent leurs brebis, les dirigent, les aident à rester unies éternellement à lui et à son Père.

Cet évangile est donc une feuille de route pour ces pasteurs, à qui nous avons été confiés afin qu’ils prennent soin de nous comme le Christ prend soin de ses brebis. « Prendre soin de », en latin, se dit « curare » et ce mot est à l’origine du mot … « curé » ; Quel beau programme !

O Seigneur, prend soin de notre curé et de tous nos pasteurs, pour qu’ils connaissent leurs brebis et qu’à l’écoute de leur voix, elles les suivent jusque dans la main du Père à laquelle personne ne pourra les arracher.

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