Marseille, 1931. César et Marius discutent :

« – Pour la dixième fois, je vais te l’expliquer le cocktail de la Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit ! Approche-toi !

Tu mets d’abord un tiers de Père. Fais attention : un tout petit tiers. Bon.

Maintenant, un tiers de Fils. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Saint-Esprit.

Regarde la couleur. Rouge comme l’amour, rouge de la vie. Regarde comme c’est joli.

On pourrait s’arrêter là, mais c’est encore meilleur quand, à la fin, on ajoute un GRAND tiers d’Homme : les glaçons du cocktail. Voilà !

– Eh ça fait quatre tiers.

– Mais non, ça fait un unique cocktail, avec des glaçons qui baignent de bonheur dedans ! »

 

Vous voudrez bien me pardonner cette présentation un peu « revisitée » et bien imparfaite de la Trinité et librement inspirée de Marcel Pagnol, mais je trouve que la comparaison a du sens…

Nous avons entendu la Parole du Christ : « Allez ! De toutes les nations, faites des disciples ; baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ».

Il ne s’agit évidemment pas de prosélytisme ou de conversion forcée et Jésus n’est pas ici en train d’instituer une équipe de commerciaux chargés de vendre ses produits ; il n’y a aucune notion de performance ni de productivité. Non : il s’agit ici d’un cadeau.

Au fond, lorsque Jésus nous commande de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, lorsque Jésus nous demande d’apprendre au monde à observer tout ce qu’il nous a commandé, il s’agit de transmettre ce que nous avons nous-même découvert et ce qui nous a été transmis au travers de 2000 ans de révélation : proclamer que nous croyons en l’amour, que nous croyons que l’amour est plus fort que la mort, plus fort que toute mort.

Il s’agit d’annoncer que Jésus est avec nous jusqu’à la fin du monde, tous les jours. A chaque pas, à chaque respiration de nos êtres, sans discontinuer, dans une fidélité sans faille.

Il s’agit d’annoncer que nous sommes appelés à vivre une proximité inouïe avec Dieu, une proximité d’amour. Non plus une relation d’esclaves apeurés comme le dit Saint Paul dans la deuxième lecture, mais une relation de Fils, par l’Esprit-Saint, pleins de confiance au point d’appeler Dieu « Papa ».

Cette proximité se manifeste par tant de gestes, tant de signes : rien qu’en ce moment, nous allons en vivre trois :

  • Tout d’abord, nous formons ensemble le corps du Christ et dans les relations vivantes que nous entretenons entre nous, nous avons une petite intuition, très imparfaite, de ce qui se vit de manière inouïe et sans comparaison possible au sein de la Trinité : la relation entre les personnes de la Trinité est tellement vivante que cette relation devient elle-même une personne vivante.
    Le baptême est une invitation à entrer en communion avec cette personne divine. Le « quatrième tiers » que nous évoquions tout à l’heure, c’est l’ouverture de Dieu, c’est l’invitation que Dieu nous adresse de communier avec lui.
  • la Parole de Dieu que nous avons entendue à l’instant crée aussi cette proximité : on n’y prête pas toujours attention, mais elle a pénétré en nous par nos oreilles, elle est en nous maintenant, elle frappe notre intelligence, notre sensibilité. Cette Parole peut nous toucher très profondément.
  • l’eucharistie enfin : Jésus fait de nous son corps en se mêlant, en se « fondant » dans chaque particule de notre vie. On ne le remarque pas toujours, mais, le diacre ou le prêtre fait un geste symbolique et prononce une très belle prière lorsqu’il prépare le calice rempli de vin : il y verse un goutte d’eau en disant : « comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance, puissions-nous être uni à la divinité de celui qui a pris notre humanité. »

Nous sommes appelés à vivre cette proximité, cette union intime avec ce Dieu d’amour.

Et ce que le Christ nous demande, c’est d’annoncer cela au monde, de communiquer cette belle nouvelle, d’en donner envie au monde. Ou plus exactement de répondre à son désir, car c’est cela que le monde attend, c’est de cela dont il a besoin, c’est à cela qu’il aspire au plus profond !

Ainsi, cet évangile interpelle notre foi : croyons-nous vraiment que ce Dieu est un Dieu de relation qui n’a de cesse de nous appeler à nous lier à lui ?

Le Seigneur crie vers nous par l’Esprit-Saint : « mon enfant, ma joie, je t’aime ! » Et il nous offre la possibilité de lui dire en retour, par le même Esprit-Saint : « Abba ! Père ! » ; « Abba mon papa ! »

Comment ne pas avoir un cœur dilaté de gratitude d’être ainsi aimé et rejoint avec autant de simplicité ?

Alors, bien sûr, transmettre cela, ce n’est pas faire de grands discours : notre vocation, c’est de « laisser passer l’amour de Dieu, manifesté par le Christ, rendu possible par l’Esprit, dans notre manière de vivre toutes les relations, dans la manière pour notre communauté humaine de s’organiser et d’être présente à son environnement » [1].

Ainsi, lorsque j’accueille mon voisin de messe que je ne connais pas, lorsque j’offre ma disponibilité pour le laisser entrer dans ma vie comme un frère, lorsque je cherche à nouer un lien de frère qui touche le cœur et pas seulement l’intellect, lorsque l’Eglise ou ma paroisse fonctionne non pas comme une entreprise, mais comme une famille, c’est alors que j’évangélise, c’est alors que j’ouvre la porte d’une rencontre possible avec le Christ.

La Trinité nous montre que la foi n’est pas seulement une question d’intellect : c’est une relation à vivre.

Evangéliser, ce n’est donc pas faire de longs discours ni manier des concepts ; c’est dire simplement ce que Jésus le Christ nous a fait découvrir et qui est l’important de notre vie : aimer et être aimé dans une relation d’amour sans limite. Voilà ce qui caractérise Dieu et la relation qu’il noue avec nous.

Un tel projet a tout d’enthousiasmant. Il est capable de mobiliser des énergies extrêmement fortes car il touche aux ressorts existentiels de notre humanité.

Aujourd’hui, plusieurs adultes font l’expérience de cela : ils frappent actuellement à la porte de notre Eglise et demandent le baptême : ils veulent vivre cette relation dont ils ne font que pressentir l’intensité, ils veulent nourrir leur vie de cette Trinité amoureuse, ils veulent vivre leur vie dans sa plénitude. Ils ont besoin d’un accompagnateur, d’un parrain, d’une marraine afin de découvrir un peu plus ce que Jésus nous a commandé de vivre. Ils attendent que l’un d’entre nous leur ouvre la porte.

Qui acceptera de les accompagner ? Qui acceptera de leur offrir le plus beau cadeau qu’on puisse faire à une vie ? La réponse est parmi vous, vous qui avez déjà rencontré le Christ.

[1] Inspiré du Père Etienne Grieu, SJ

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