En découvrant la première lecture tirée des Actes des Apôtres, mon attention a été attiré par une phrase :

« En vérité je le comprends, Dieu est impartial : il accueille, quelle que soit la nation, celui qui craint et dont les œuvres sont justes ».
Comme vous le savez, les premiers chrétiens étaient des juifs et il y a eu beaucoup de discussions, notamment entre Saint Pierre et Saint Paul, pour savoir si le Christ était aussi venu pour les juifs seulement ou également pour des non-juifs.

Cette question prend une actualité toute particulière en ce jour où notre frère Guillaume  entre dans la pleine communion avec l’Eglise Catholique. Elle fait écho à une phrase bien connue : « Hors de l’Eglise, point de salut » !

« Hors de l’Eglise, point de salut » !!
Qui de nous n’a jamais entendu au moins une fois cette phrase de Saint Cyprien ? Lequel d’entre nous, en entendant cet adage, ne s’est jamais senti mal à l’aise à l’idée d’appartenir à une telle église ?

Une Eglise qui clamerait en substance : « c’est moi et moi seul qui détient la vérité »,
Une Eglise qui édicte qu’elle aurait le monopole d’accès au salut sans exception,
Une Eglise qui cataloguerait les gens en mettant d’un côté les justes (ses membres) et de l’autre les damnés (les non-membres)

Une telle Eglise ne donne pas vraiment envie d’être cotoyée !!

Mais alors, on se demande bien pourquoi, aujourd’hui, Guillaume ici présent, chrétien protestant de son état, et donc critique par nature à l’égard de l’Eglise catholique, a émis le désir saugrenu de rejoindre une église aussi sectaire. Serait-ce par intérêt ? Par peur de la damnation… Voire peut-être sous la contrainte de son épouse ?

Ou serait-ce tout simplement parce que cette Eglise n’est pas celle que l’adage de Saint Cyprien laisse entrevoir ?

En fait, cette phrase de Saint Cyprien, évêque de Carthage au IIIème siècle ne dit pas « ceux qui ne sont pas catholiques sont damnés » A son époque, beaucoup de chrétiens étaient persécutés et quittaient l’Eglise pour rejoindre des sectes. Saint Cyprien s’adressait non pas à ceux qui ne connaissaient pas Dieu et qui se trouvaient hors de l’Eglise, mais à ceux qui justement avaient eu la chance de connaître le Christ par l’Eglise et risquaient de se lancer dans des impasses sectaires. En d’autres termes, il s’agit plutôt d’un rappel bienveillant destiné à ceux qui se détournent de l’Eglise alors qu’ils ont découvert le Christ : quitter la lumière mène aux ténèbres, se détourner de ce qui te mène au bien risque de te mener au mal.

Il ne faudrait donc pas se tromper de priorité : le souci n’est pas de savoir qui doit avoir sa carte de membre de l’Eglise et qui ne doit pas l’avoir. Le souci est celui du meilleur moyen de vivre uni au Christ. Comment être branché à la source, comme le sarment est greffé à la vigne ? comment demeurer irrigué par la sève d’amour et de vie de notre Père du ciel ?

Jésus nous dit dans l’Evangile : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour ».
« Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. »

Celui qui sauve ? C’est le Christ.
Le vrai chemin, la vraie voie, la vraie source de la fécondité ? C’est le Christ ! La source ? C’est Lui !

Mais pour agir, le Christ a choisi d’avoir un corps.
Il a besoin de bras pour embrasser, d’un regard pour offrir de la douceur, d’oreilles pour écouter, de voix pour consoler et guider…

Ce corps, c’est celui que nous formons tous ensemble, avec ce que nous sommes chacun : ce corps, c’est l’Eglise visible, le peuple des baptisés, rassemblé par Dieu ; tel un troupeau d’agneaux guidé par un berger et sa houlette, l’évêque et ici notre curé, aidé contre les prédateurs et accompagné dans les chemins difficiles par des chiens de berger, vos diacres.
Cette Eglise, irremplaçable car elle prolonge l’Incarnation de Jésus. Cette Eglise qui permet au Christ d’être explicitement présent dans notre monde et qui permet ainsi aux hommes de découvrir Dieu, de le connaître, de se lier plus étroitement avec lui, de devenir ses amis.

Ce corps, c’est aussi le peuple immense de ceux qui ont cherché Dieu, Eglise invisible des hommes de bonne volonté.

Tous ici présents, nous sommes appelés à donner corps, dans la petitesse, le quotidien et la banalité de nos vies, à cet amour universel, cosmique. L’infiniment grand se confie volontairement à nos êtres limités et fragiles.

Ainsi, il y a de quoi se réjouir, Guillaume, de te voir aujourd’hui faire cette entrée dans la pleine communion : non pas se réjouir comme s’il s’agissait d’une victoire des « vrais » chrétiens face aux « faux ». Mais se réjouir d’avancer ensemble dans notre découverte de ce Dieu d’amour.

Se réjouir de savoir que, dans quelques minutes, tu vas vivre avec nous une expérience très concrète : celle de recevoir pour la première fois l’Eucharistie ; tu vas accueillir en toi le Christ qui se donne sous les espèces du pain et du vin, pour que, nourrie par son corps et son sang, irriguée de la propre vie du Christ, ta vie prenne une autre dimension et qu’à ton tour tu aides les hommes à s’aimer « les uns les autres comme Jésus les a aimés », et cela tout au long de ta vie, là où le Seigneur te plantera.

Aimer l’autre comme Jésus nous aime, c’est-à-dire aimer même celui qui nous semble impossible à aimer, aimer au delà de sa propre vie, c’est parfois impossible ou révoltant ; je me souviens en particulier de cette réaction d’une collègue de travail juive qui ne pouvait imaginer que notre Dieu puisse aimer un ennemi parce que cela lui semblait tout simplement injuste.

C’est tellement difficile de s’aimer les uns les autres qu’on a constamment besoin d’y être aidé. C’est justement le rôle de cette Eglise corps du Christ que nous formons, qui nous soutient lorsque nous doutons ou lorsque nous oublions de quel amour nous sommes aimé, qui nous aide dans notre relation personnelle avec Dieu en offrant des signes concrets et tangibles au travers tant des sacrements que d’une vraie vie fraternelle.

Guillaume, nous t’accueillons avec joie dans cette Eglise, heureux de faire route avec toi dans ce nouveau tournant de ta vie de foi.

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