Sans doute avez-vous déjà entendu les pharisiens pester contre Jésus en disant de lui : « c’est un glouton et un ivrogne ». Eh bien on ne peut pas dire que cet évangile des noces de Cana montre le contraire !

6×100 litres ! 600 litres de vin pour un mariage… Et en plus : c’est la deuxième tournée, la première ayant déjà été asséchée par ces assoiffés de noceurs… 600 litres… Même s’il est vrai que les mariages en Galilée duraient plusieurs jours, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas raisonnable. Disons-le même carrément : c’est déraisonnable. C’est démesuré. C’est folie.

Oui c’est vrai. C’est folie. C’est trop. C’est surabondant. Ça déborde… Et c’est exactement ce que Jésus veut faire voir.

Cet évangile est un programme. C’est le résumé par avance de tout ce que Jésus est venu annoncer sur cette terre. Comme le dit Saint Jean, les Noces de Cana furent « le commencement des signes que Jésus accomplit ». Changer de l’eau en du vin au cours d’un mariage est un signe de la gloire de Dieu. Un signe destiné à ce que les disciples croient en lui. Un signe qui révèle Dieu et son projet pour l’humanité.

Saint Jean a placé énormément de petits éléments, de petits signes révélateurs dans cet évangile. On ne va pas tous les lister, mais on peut en évoquer quelques-uns :

D’abord, c ’est un mariage. Cela nous met dans la continuité de toute la Bible qui est en fait la grande histoire de l’Alliance entre Dieu et l’humanité. Et c’est donc une fête, un épisode de joie, plein de promesse d’une vie où l’amour est abondant. Le vin trouve naturellement sa place pour accompagner de tels moments festifs ; comme le dit un des psaumes (Ps 104), « le bon vin réjouit le cœur de l’homme ».

Il s’agit en fait ici de montrer de grandes réjouissances, cette réjouissance de Dieu lorsqu’il noue cette alliance avec l’humanité. Et compte tenu du nombre de litres de vin, et aussi du fait que, apparemment, ce vin nouveau est carrément meilleur que le précédent, on voit combien cette réjouissance est grande.

Un autre signe : vous savez peut-être que, dans la Bible, le chiffre « 7 » est révélateur de quelque chose de parfait, d’accompli. Or il y a un détail qu’il faut noter : Jésus demande aux serviteurs de remplir d’eau 6 jarres de pierre habituellement utilisées pour les purifications rituelles des Juifs. 6 jarres et non pas 7. Il s’agit ici de faire comprendre que le temps de l’ancienne Alliance va être dépassé ; cette ancienne alliance avec ses rituels, ses règles extérieures, ses notions de pureté et d’impureté.

Le 7ème récipient, qui vient parfaire la situation, est pourtant bien présent lors de ce premier repas de Jésus : c’est en fait Jésus lui-même. Tout cela apparait clairement si nous « spoilons » l’histoire du Christ en regardant le dernier repas de Jésus : à ce repas, il offrira cette 7ème coupe de vin, celle de son sang, le sang de sa propre vie. Tout ce vin de l’ancienne alliance sera ainsi transformé en source de vie, en devenant le sang du Christ.

Cana est donc le signe que Jésus vient renouveler, revivifier, accomplir l’ancienne Alliance. Il vient la parfaire, en la dépoussiérant de tout ce qui est inutile. Il vient révéler (enfin !) la pleine dimension de cette relation amoureuse entre Dieu et son peuple, relation qui réjouit, enthousiasme, comme l’amour d’un époux et d’une épouse.

Tout ceci pourrait rester bien abstrait, conceptuel. « Oh, c’est beau tout ça. Je suis fier de savoir que Dieu se réjouit d’une telle alliance avec moi ».

Oui mais moi, mon problème à moi, c’est de savoir comment faire, quoi faire, pour ne pas rester spectateur d’une telle alliance : comment rentrer dedans ? comment y participer ? comment en vivre vraiment ? Oui, moi aussi ça me tente de vivre une telle relation, d’expérimenter la puissance créatrice et joyeuse de Dieu dans ma vie. Qu’est-ce qui empêche que Dieu accomplisse un miracle similaire dans ma propre vie ?

Des actions concrètes de Dieu, il y en a déjà dans nos vies, mais on ne s’en rend pas souvent compte. On le voit à Cana : Jésus agit dans la discrétion, sans paillettes et sans bruit. De même, Dieu est loin d’être inactif dans nos vies. Dieu y fait du bien, sans même que nous sachions qu’il en est à l’origine.

Pour voir le bien que Dieu fait, pour voir les miracles (petits ou grands) qu’il réalise dans nos propres vies, je vous propose de suivre la recette de l’évangile des Noces de Cana. Vous verrez : c’est un plat qui accompagne à merveille le bon vin que Jésus nous sert ! Cette recette, dont le temps de cuisson dépend de chaque personne, contient deux ingrédients essentiels :

1/ Premier ingrédient : faire confiance à l’intervention de Marie auprès de son fils : Marie a un infini sens pratique. Elle est observatrice et attentive. C’est elle qui repère que les invités vont manquer de vin et qui identifie l’embarras des serviteurs ; c’est encore elle qui prend l’initiative d’informer Jésus de cette situation. Remarquez bien qu’elle ne demande rien à Jésus, elle ne demande pas de miracle ; elle l’informe de la situation, c’est tout. Et Jésus sait bien que, si sa mère lui parle de tel ou tel fait, c’est que cela présente de l’importance pour quelqu’un. Et cela le pousse à agir.

La recette des Noces de Cana comporte donc en premier lieu une bonne dose de confiance en la Vierge Marie : on peut l’informer de nos difficultés, de nos soucis, de nos souhaits, de nos rêves, et avoir totale confiance dans le fait qu’elle s’en préoccupe, même si on ne voit pas précisément de quelle manière.

2/ Deuxième ingrédient : se mettre soi-même au service. Aux noces de Cana, seuls les serviteurs savent d’où vient le bon vin ; seuls les serviteurs ont vu ce qui s’était passé, et comment l’eau est devenue du vin. La seule chose qu’ils ont faite, c’est celle que Jésus leur a demandé d’accomplir (remplir d’eau les jarres), suivant en cela la demande de Marie « faites tout ce qu’il vous dira ». En nous mettant au service, nous pouvons tout à fait être aux premières loges des miracles que Dieu fait dans la vie de quelqu’un.

Se mettre au service, cela peut se manifester de multiples manières. C’est avant tout un décentrage, un peu de don de soi. La meilleure façon de savoir comment chacun de nous peut se mettre au service, c’est d’en parler tout simplement au Seigneur et de garder un peu de silence pour entendre sa réponse. Il nous répondra, c’est sûr !

Et, quelle que soit la réponse, sachez que nous serons à chaque fois parfaitement équipés pour accomplir le service qui nous sera demandé : Saint Paul nous l’a dit dans la lecture de tout à l’heure : l’Esprit-Saint « distribue ses dons comme il veut à chacun en particulier ». Nous sommes dotés par l’Esprit-Saint des talents, qualités, compétences appropriées et nécessaires pour chaque service que nous accomplissons par amour.

Oui, quand on accepte de se mettre au service, on voit des miracles. Vous les catéchistes, vous qui allez à la rencontre des malades, vous les maraudeurs, vous les époux, vous les prêtres… (et la liste est évidemment incomplète) vous pouvez certainement témoigner des miracles, des transformations, voire des résurrections, auxquelles vous avez pu assister en vous ou autour de vous. C’est à tous ces serviteurs-là, à vous tous dans la diversité de vos vies, que le Seigneur offre ce privilège d’être témoins des merveilles qu’il accomplit dans les cœurs.

Alors, si vous voulez voir des miracles et avoir la vie à profusion comme cette abondance de bon vin réjouissant, vous savez ce qu’il vous reste à faire : de la confiance en Marie et du service !

One thought on “« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit. C’était à Cana de Galilée » (Jn 2, 1-11)”

  1. Une homélie qui ne s’oublie pas! Vigoureuse, elle renouvelle pour moi ce texte que je croyais déjà bien connaître… La Parole de Dieu est inépuisable, une des raisons qui me font dire à mes petits-enfants que je ne m’ennuie pas à la messe!

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