Je ne sais pas si c’est votre cas, mais moi, je n’aime pas beaucoup les changements. Dans mon boulot, lorsque quelqu’un autour de moi change de poste, je ressens cela comme un vide, comme une petite mort. Je perds un peu de ma sécurité : il va falloir renouer des liens différents, reconstruire quelque chose. Oh, je ne doute pas que les renouvellements apportent aussi quelque chose de positif, mais parfois, j’aspire à un peu de stabilité et à goûter le quotidien sans me poser trop de questions.

J’aimerais évidemment faire preuve d’un peu plus de souplesse face à l’inattendu qui survient dans ma vie. Et cela me semble d’autant plus essentiel que c’est très souvent dans l’inattendu que Dieu nous rejoint le mieux, qu’il révèle son visage et nous permet de mieux connaître ce qu’il veut vivre avec nous.. Les textes de ce jour nous en apportent deux exemples.

Regardons ce qui arrive à David : David se satisfaisait de son royaume devenu prospère, confortable et à l’abri de ses ennemis. Le livre de Samuel nous dit : « Le roi David habitait ENFIN dans sa maison » ; « chic — se disait-il en se frottant les mains comme le ferait un jeune retraité –, je vais enfin pouvoir profiter de ma vie ».

Comme David est d’un tempérament généreux et juste, il s’est dit qu’il n’était pas normal que l’arche d’alliance, signe de la présence de Dieu au milieu du peuple d’Israël ne dispose que d’une pauvre tente, alors que lui-même disposait d’une maison.

Or que voit-on : le Seigneur refuse l’offrande généreuse de David. Par la voix du prophète Nathan, Dieu réduit à néant le plan entier de David : ce que Dieu souhaite est bien autre chose qu’une maison ou un temple statique ; et c’est sans doute une chose à laquelle David ne s’attendait pas : Dieu cherche à avoir une relation vivante avec David ; un lien de père à fils ; une alliance éternelle fondée sur l’amour et la liberté de chacun, et dans laquelle David et Dieu n’auront jamais fini de se découvrir l’un l’autre : « moi je serai [pour ton descendant] un père ; et lui sera pour moi un fils ».

De même, la visite que fait l’ange Gabriel à Marie est complètement inattendue et Marie en est bouleversée. Ici encore, Dieu propose une relation, et si Dieu était un être humain, les termes utilisés feraient vraiment penser à une union de deux époux.

On peut remarquer que Dieu n’impose aucune relation de manière forcée ; au contraire, la relation à Dieu est librement consentie et n’est en aucune façon captatrice.

Tout comme David comprend qu’on ne peut jamais mettre la main sur Dieu et qu’il n’est pas possible de figer ou de contenir Dieu dans une case si belle soit elle, de même Dieu s’attache à ne pas mettre la main sur l’homme.

Cette liberté dans la relation apparait très bien dans notre évangile quand on entend : « alors l’ange la quitta » : l’ange Gabriel ne s’en va pas juste après avoir porté son message à Marie.

« Salut Marie, Dieu a décidé pour toi que tu serais mère porteuse. Voilà c’est fait, tu es enceinte. Cela ne t’arrange pas trop ? Tu avais d’autres projets plus tranquilles ? C’est ballot… Allez, rendez-vous dans 9 mois. Ciao ! ».

Non, le bon Gabriel ne part qu’après avoir entendu la réponse de Marie. Marie a son mot à dire. Elle peut parfaitement refuser cette proposition aussi inouïe qu’inattendue. On peut donc dire que Dieu accepte aussi de son côté l’inattendu lié à notre propre liberté.

Et quelle surprenante réponse que celle de Marie au regard de tous ces évènements qui viennent perturber sa vie : « que tout m’advienne selon ta parole ». Face à l’inattendu que Dieu met dans une vie, Marie nous présente l’attitude de quelqu’un qui choisit de faire confiance. Totalement confiance.

Marie a foi dans la promesse de Dieu de ne jamais nous laisser seuls dans les bouleversements inattendus de nos vies. Ce n’est pas pour rien que Jésus est aussi appelé l’Emmanuel, c’est-à-dire « Dieu avec nous ». Il nous dira même plus tard : « Et moi je serai avec vous chaque jour jusqu’à la fin du monde » …

Dieu avait promis cela à David pour sa descendance ; par son « fiat », Marie permet que cette même promesse s’accomplisse pleinement, au plus près, au plus fort et de manière élargie à toute l’humanité. Dieu s’incarne !

En ces temps difficiles — et parfois c’est toute notre vie qui semble difficile – cette incarnation de Dieu est réconfortante : nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas orphelins.

Nous sommes réellement fils et filles de Dieu et nous sommes aimés comme tels par l’Amour personnifié. Nous sommes aimés d’un amour qu’aucun être humain ne pourra jamais nous donner. Cet amour vient révéler notre humanité dans toute sa plénitude, une plénitude inattendue : Dieu place en notre humanité l’essence même de lui-même. Il nous donne part à sa divinité-même ; il divinise notre humanité. Une part essentielle du Dieu tout puissant d’Amour avec un « A » majuscule, habite désormais en nous, sans jamais pouvoir en être arrachée.

Tout cela peut nous donner confiance en Dieu, de la même manière que Marie fait confiance en Dieu jusqu’à dire : « Que tout m’advienne selon ta parole ». Marie nous montre que Dieu ne nous abandonnera jamais.

Nos situations de vie sont peut-être inextricables, et parfois tellement lourdes qu’on se sent au fond du trou sans savoir comment on va pouvoir s’en sortir.

Mais ayons foi en Dieu. L’ange Gabriel le dit clairement à Marie : « rien n’est impossible à Dieu ».

Et d’ailleurs, Dieu le prouve immédiatement en faisant concevoir un enfant d’une part à une femme vierge (Marie) et d’autre part à une femme stérile (Élisabeth).

Tout n’est pas possible à l’homme, mais Dieu peut accomplir l’impossible en collaborant avec l’homme. Avec Dieu, nous sommes tous capables de porter du fruit autour de nous.

Comme Marie, nous sommes des terres prêtes à être fécondées ; nous avons toutes les qualités pour cela. Notre terre est bonne, elle a toutes les qualités nutritives dont on peut rêver. C’est Dieu qui les y a mises. Nous ne connaissons pas la forme que prendra notre fécondité, ça aussi c’est l’inattendu de Dieu. Mais nous pouvons accepter de nous laisser féconder !

L’exemple de Marie dans cet évangile est donc un merveilleux cadeau pour nous aider à tourner notre vie vers l’essentiel et ainsi à traverser avec confiance les turbulences de notre vie.

Quel est donc mon ange Gabriel dans mon quotidien d’aujourd’hui ?

Quand Dieu me parle-t-il ?

A quoi m’invite-t-il, dans l’état où je me trouve, avec tout ce qui me semble être des limites ?

Essayons d’ouvrir les yeux sur la diversité des moyens que Dieu nous offre pour nous parler. Dieu peut recourir à de multiples formes de médiation pour nous rejoindre. Il sollicite souvent nos désirs profonds afin qu’émerge un chemin à suivre, bon pour nous et fructueux pour le monde. La tâche propre qui a été proposée à Marie était d’enfanter Jésus, de le donner au monde, là où elle était et dans l’état de sa vie, avec ses choix, ses désirs et en l’absence de conjoint. Il en est de même avec notre propre vie : au travers de notre vie, Dieu n’accomplira pas forcément de miracle spectaculaire, mais je sais que nous contribuerons aussi, tant bien que mal et à notre petite mesure, à cette révélation de l’amour de Dieu pour l’humanité.

Reste à savoir quelle est la tâche propre que moi comme vous j’ai à vivre dans cette vie et qui la rendra féconde.

Parfois, j’en aurai l’intuition, je choisirai une voie, je poserai des choix.

Parfois, je n’en saurai rien ; je pourrai alors simplement m’ouvrir comme Marie, terre prête à être fécondée par Dieu, en priant comme elle, avec foi et confiance : « je suis la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole ».

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