Il y a une émission que j’aime bien regarder de temps en temps, c’est : « la France a un incroyable talent » ?

Pour ceux qui ne connaitraient pas, c’est une émission où des candidats très divers présentent leur talent devant un jury constitué de professionnels du spectacle. Et il y a de tout : des chanteurs, des danseurs, des sketches humoristiques, des acrobates, des magiciens. C’est un peu comme au cirque.

La difficulté du monde du spectacle, c’est de renouveler le genre : les numéros de cirque ou de spectacle, ce peut être un peu toujours la même chose. Alors il faut parfois faire plus, plus fort, plus haut, ou plus risqué. Bref : au minimum, il faut du « nouveau » sinon, avec le temps, le public finit par se lasser. Et c’est d’ailleurs cette nouveauté que mettent en valeur ce genre d’émission et les membres du jury.

Bon, nous ne sommes pas à la télé ici et personne n’est filmé. Alors j’aimerais vous poser une question, notamment à ceux d’entre vous ici dans cette église qui viennent à la messe régulièrement, peut-être même chaque dimanche, peut-être même aussi en semaine ; qu’est-ce que vous venez y chercher ? Depuis le temps, honnêtement, ne vous est-il jamais arrivé de vous dire que c’est presque tout le temps la même chose ! Si c’était un spectacle, on dirait que c’est un peu toujours le même, que les acteurs changent de temps en temps, qu’ils jouent mieux certains jours que d’autres. Alors, dans le fond, pourquoi sommes-nous là ? Pourquoi revenons-nous ?

C’est la même chose avec ce temps de l’Avent : ça revient chaque année ! On dit que c’est un temps d’attente, mais attente de quoi ? Si l’horizon de notre attente est la soirée de Noël, la célébration d’un moment où la paix et la joie sont à l’honneur, on peut avoir l’impression que rien ne change… et on se lassera.

En réalité, qu’espérons-nous vraiment de ce temps d’attente de Noël ? Oui : quelle attente avons-nous de Dieu à notre égard ?

Noël, c’est la venue de Jésus au cœur de notre monde. Attendons-nous vraiment que se renouvelle cette union de la divinité de Dieu et de notre humanité ? Espérons-nous vraiment vivre cette union d’amour complète, totale et éternelle dont Jésus nous a fait la promesse et qui n’arrivera qu’à la fin du monde ? Désirons-nous réellement vivre une telle union avec Dieu ?

Tout cela pose en fait une même question : finalement, quel visage avons-nous de Dieu ?

Oui, quel est ce Dieu auquel nous disons croire ? Dans notre imaginaire se mêlent peut-être certaines images fantasmées : Dieu vengeur, Dieu juge implacable, Dieu lointain et tout-puissant, indifférent aux difficultés du monde, Dieu surveillant général imposant une morale implacable ; ou encore, Dieu père Noël ou magicien, qui peut tout accomplir et répondre à tous nos désirs. Mais alors, qu’est-ce qu’il attend pour répondre à nos prières ?

Tout ceci ne donne pas franchement envie de vivre uni à une telle personne et pour l’éternité par-dessus le marché !

Pour désirer nous unir à quelqu’un, il faut le connaître avec un minimum de justesse. Et c’est justement la mission de Jésus : nous révéler le vrai visage de Dieu le Père !

Je crois que ce que nous avons entendu dans l’évangile de ce jour est un moment charnière par lequel Jésus remet tous nos fantasmes sur Dieu à leur juste place. Dans cet évangile, d’un côté il confirme à Jean-Baptiste qu’il est le Messie venu accomplir les écritures, de l’autre il explique que ce Messie n’a pas la forme que tout le monde s’attendait à voir. Et ça, ça nous intéresse vachement !

Dans la prison où il croupit, Jean-Baptiste entend parler des actes de Jésus, sa tendresse, son accueil envers les pécheurs et cela l’interpelle. Alors il fait demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? ». On comprend qu’il pressent que Jésus est peut-être ce Messie tant attendu, et il cherche à en avoir confirmation car, comme la plupart des juifs, il s’attend plutôt à ce que ce Messie soit un guerrier, vaillant, puissant, spectaculaire.

Or ce n’est pas ce visage que montre Jésus.

Jésus répond en citant l’accomplissement des paroles mêmes du prophète Isaïe : les boiteux marchent, les aveuglent voient… Il confirme donc en substance qu’il est le Messie annoncé par les écritures. Les écritures s’accomplissent !

Mais ce Messie va plus loin, bien plus loin qu’une libération de nos contingences terrestres, si pénibles soient-elles. Il ne s’attaque pas aux symptômes, mais à la racine. Il vient rejoindre un désir, LE désir le plus profond de l’être humain : être libéré de tout ce péché qui entrave notre vie, qui nous empêche de vivre pleinement l’Amour que notre créateur a placé dans au cœur de notre ADN. Cette recherche d’amour infini est constitutive de notre être. On n’est pas dans « Jésus a un incroyable talent ». On est passé à une dimension universelle, existentielle et cosmique. On touche à la profondeur de nos êtres.

Je pense que c’est ce que Jésus évoque lorsqu’il demande aux foules qui venaient voir Jean-Baptiste pour recevoir un baptême de conversion et qui l’écoutaient annoncer la venue proche d’un Sauveur :

« vous avez été attirés par Jean-Baptiste ; qu’est-ce que vous êtes venu chercher auprès de lui ?

Êtes-vous venu parce qu’il y avait quelque chose de spectaculaire à voir ? »

Êtes-vous venu voir quelqu’un de spectaculaire, de fort : êtes-vous venu voir un roi (le « roseau agité par le vent » est une façon codée de citer le roi Hérode Antipas, celui qui fera couper la tête de Jean-Baptiste), un homme aux riches habits ou un prophète charismatique ?

Jésus sait bien que la soif profonde des hommes qui venaient voir Jean-Baptiste est bien plus profonde que celle de rencontrer un gourou ou une star. Par ces questions, Jésus invite les foules qui l’entendent (et donc nous aujourd’hui) à creuser leur attente, à approfondir leur désir.

Oui : quelle est notre attente profonde ? Parce que c’est à cette attente que le Messie vient répondre.

« Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? »

En attendre « un autre » ? Mais pourquoi ? Et surtout, qui ?? Jésus a tout donné, il montre la voie, il est avec nous. Que pensons-nous trouver ailleurs ? Jésus nous annonce un monde entièrement renouvelé, renouvelé par l’Amour. Jésus serait-il insuffisant au point que nous devions attendre de Dieu un autre Messie, un messie plus conforme à l’image que nous nous faisons de lui ? Un Messie qui transformerait notre vie tout de suite ici et maintenant, selon nos désirs ?

C’est vrai, tout n’est pas encore accompli. Nous attendons encore ce moment ultime. Mais nous goûtons déjà aujourd’hui pour partie au royaume de Dieu.

Voici ce que disait Sainte Mère Térésa : « nous attendons avec impatience le paradis, là où est Dieu ; mais nous pouvons être au paradis ici-bas et maintenant. Etre heureux avec Dieu signifie : aimer comme lui, aider comme lui, donner comme lui, servir comme lui ». Oui, le paradis commence ici et maintenant.

Dans ce temps de l’Avent, rappelons-nous combien notre foi est concrète. Rappelons-nous que nous sommes en marche vers Noël, fête de l’incarnation du Fils de Dieu, fête d’un Dieu qui, parce qu’il nous aime, se fait homme, fête d’un Dieu qui, parce qu’il n’est qu’Amour, se fait proche jusque dans le quotidien le plus concret et le plus tangible de nos vies, fête d’un Dieu qui compte sur nous pour donner forme à son corps. Notre union à Dieu est déjà commencée.

C’est toute la spécificité du catholicisme que de croire en l’incarnation d’un Dieu.

Un Dieu comme celui-là ? Mais c’est vraiment celui qui doit venir ! Comment en attendre un autre ? L’Avent n’est pas encore fini. Prenons le temps de découvrir le vrai visage de notre Dieu.

Bonne route !

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