Quand on lit les évangiles, on tombe parfois sur des paroles un peu compliquées ou un peu rudes à comprendre. Comme si le Seigneur prenait des gants pour exprimer certaines choses, comme s’il cherchait à se mettre à notre portée.

Eh bien le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ici nous avons au contraire une annonce on ne peut plus directe et claire :

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. ».

Et c’en est même étonnant car l’annonce explicite d’un mort qui ressuscite a quelque chose d’incroyable, et peut paraître brutale pour ces femmes qui découvrent, désemparées, alors que l’aurore pointe tout juste, que le tombeau de leur Rabbouni a été profané et que son corps a disparu.

Si j’avais été à la place de ces femmes, je crois que j’aurais pu prendre ces paroles pour des élucubrations et que cela aurait accru mon désarroi et ma confusion.

Mais finalement, ce qui permet à ces femmes d’accepter cette possibilité inouïe que Jésus soit ressuscité, c’est que les deux hommes en habit éblouissant leur rappellent les paroles mêmles de Jésus. Du coup, ces femmes mettent en lien tout ce qu’elles ont vécu personnellement avec Jésus, toutes les paroles qu’il a prononcées, tous les gestes qu’il a posé au cours de ces trois années qu’il a passées avec elles.

Ces femmes ont cheminé avec Jésus, à leur rythme, et ce cheminement s’est fait dans un infini respect de leur sensibilité, de leur personnalité et avec une extrême délicatesse ; il a fallu cette lente maturation, ce lent cheminement avec Jésus pour qu’elles soient devenues capables de comprendre l’importance de ce qui arrive à ce moment-là.

En quelque sorte, ces femmes ont vécu ce que vous, les catéchumènes, avez-vous-mêmes vécu dans votre long cheminement vers le baptême que vous allez recevoir dans quelques minutes.

Et ce cheminement, il se poursuivra pour vous, comme il se poursuit pour les aînés dans la foi que nous sommes ici, tout au long de nos vies d’homme et de femme : Tout au long de notre vie terrestre, nous cheminons dans la découverte de Dieu, et pas à pas, nous pouvons nous émerveiller de l’amour qu’il nous porte.

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? ». En fait, cette phrase explicite tout, absolument tout. Les femmes pensaient trouver le corps d’un homme mort ; on leur annonce l’existence d’un vivant !

Mieux encore : c’est LE Vivant avec un V majuscule ! LE Vivant ! Celui qui porte la vie par excellence, la vie foisonnante, la vie qui se donne, qui se transmet, qui féconde tout et qui est éternelle !

La vie que rien ne pourra arrêter et que pas même la mort ne parviendra à limiter !

« Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? »…

Jésus est Vivant ! Toute notre foi, l’existence de l’Eglise, les actes de service et de charité les plus beaux, trouvent leur justification en cette phrase. Saint Paul le dit à sa manière : « si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi ».

Jésus est le Vivant et avec lui il ne peut rester aucune parcelle de mort. Absolument aucune. Là réside toute l’espérance des chrétiens : nous croyons que Jésus le Vivant remettra tout en vie, même ce qui semble mort.

Oui, c’est vrai, notre monde est blessé par le mal. Notre monde est bien souvent dans l’obscurité. Et chacun sait que dans l’obscurité, on ne sait pas où l’on va, on ne trouve pas d’issue à nos impasses, on se cogne, on se blesse.

Pire : notre monde est parfois plongé dans les ténèbres, c’est-à-dire dans l’obscurité durable, dans une obscurité telle qu’il ne subsiste plus d’espoir de vie. Notre vie nous donne parfois l’impression d’être une véritable catastrophe. C’est la mort qui s’installe parfois chez nous.

Mais ce soir, c’est une veillée de joie, c’est une veillée de sortie des ténèbres ! N’est-ce pas ce que nous avons vu tout à l’heure : nous sommes entrés dans cette église obscure. Le cierge pascal allumé nous a précédé. Sa flamme a éclairé nos pas ; elle a peu à peu repoussé l’obscurité, pas à pas, irrésistiblement et de plus en plus au fur et à mesure que cette flamme, tirée de cet unique cierge, s’est propagée de main en main jusqu’à ce que nous soyons tous illuminés.

Cette lumière est celle du Christ. Cette lumière est le signe de l’espérance chrétienne, notre espérance, fondée sur notre foi en la résurrection de Jésus, manifestation que l’amour est vulnérable, mais invincible.

Oui, on a tué le Christ, de la manière la plus atroce qui puisse être imaginée.

Oui, on l’a tué de la manière la plus injuste qui puisse exister : on l’a condamné alors qu’il relevait ceux qui étaient à terre, qu’il guérissait ceux qui souffraient, qu’il allait rejoindre ceux qui étaient loin, mis à l’écart, mal aimés, étiquetés, jugés.

On a tué celui-là même qui répondait à l’espérance d’amour infini que chaque être humain porte en lui.

Mais cet homme juste et bon que l’on a tué, il est ressuscité ! De même que la lumière est toujours plus forte que les ténèbres, le Christ, lui LE Vivant, est plus fort que la mort, et l’amour qu’il manifeste et qu’il incarne est plus fort que tout !

Cette bonne nouvelle est infiniment communicative : voyez comme les femmes s’empressent de rapporter l’évènement aux Onze apôtres et à tous les autres ; du coup Pierre se rend sur place, il n’ose pas y croire tant la nouvelle est inouïe ! Les femmes étaient désemparées ; elles repartent avec, en elles, une sorte de fébrilité joyeuse, des prémices d’un bonheur gigantesque. Tout a changé !

Cette bonne nouvelle, ce changement, ce renouvellement, cette victoire de la Vie sur toute mort, s’adresse à tous ceux qui ont le plus besoin de voir la lumière du Christ qui redonne espérance : tous ceux qui vivent la solitude, la peur, la tristesse, le désespoir, la colère, la guerre. Ces lieux où règne la mort et qui ont besoin d’être régénérés, remis en vie.

Je pense souvent à ce que le Christ fait le Samedi Saint et que nous rappelons quand nous proclamons notre foi : « il est descendu aux enfers ». C’est la première chose que fait Jésus : il descend aux enfers, ces plus grandes ténèbres, là où tout, absolument tout est coupé de l’amour. Et il y apporte sa douce lumière, comme ce cierge pascal dans l’obscurité. Il annonce, de la manière la plus éclatante possible, que rien désormais ne pourra plus nous empêcher de renouer l’Alliance avec la vraie source de la vie : son Père, l’Amour personnifié.

Chers amis, la mort et la résurrection de Jésus ce n’est pas un concept, ni une belle idée bien plaisante qui concerne un homme du passé, extérieur à nous : non, c’est aussi de notre propre mort et de notre propre résurrection dont il est question.

Partout où il passe, le Christ ressuscité annonce ce renouvellement éternel de la vie : il vient jusqu’à nous, il nous saisit par la main et nous tire vers la vie. Comme disait un père du désert : A ceux qui sont dans les chaînes, il ordonne avec autorité : « Sortez ! » – A ceux qui sont dans les ténèbres : « Soyez illuminés ! » – A ceux qui sont endormis : « Relevez-vous ! »

A notre tour, nous pouvons choisir de passer des ténèbres à la lumière, nous pouvons décider, avec Jésus,

de faire reculer les ténèbres autour de nous, dans la vie de ces hommes et de ces femmes que nous croisons au gré de notre quotidien, de tous ceux qui, comme nous, ont soif de lumière dans leurs ténèbres,

qui ont soif de cette joie d’espérer, qui ont soif d’être rejoints et d’avoir la certitude d’être vraiment aimés pour eux-mêmes.

C’est ce choix que vous faites aujourd’hui, vous les catéchumènes ; et c’est ce même choix que nous tous ici renouvelons nous aussi aujourd’hui.

Oui, une nouvelle vie est possible, le jardin d’Eden peut être retrouvé, car le Christ, en qui s’unissent à la fois notre humanité et sa divinité, n’a pas été arrêté par la mort ; il l’a traversée, il l’a franchie et il l’a vaincue. Il est la vie des morts.

Il est vivant et nous avec lui.

Réjouissons-nous et faisons cadeau de cette joie à notre monde qui en a tant besoin. : Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité !

Amen

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