Certains d’entre vous ont peut-être la chance de disposer d’un jardin, ou même tout simplement d’un petit balcon, dans lequel ils se plaisent à cultiver des plantes. C’est le cas de ma famille qui a pu planter plusieurs arbres fruitiers dans le jardin de notre immeuble, et notamment l’arbre que Jésus mentionne dans notre évangile : un figuier.

Personnellement, je n’ai absolument pas la main verte et je n’y connais pas grand-chose en botanique. Mais puisque Jésus nous dit  : « Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche », j’y ai vu une invitation à aller regarder de plus près comment croissaient les figuiers. J’ai ainsi appris que le figuier est un arbre vraiment très particulier. Deux particularités nous éclairent beaucoup sur les paroles de Jésus.

Une première particularité du figuier est qu’il produit des fruits deux fois par an : d’une part en été (les « figues-fleurs »), puis en automne (les « figues-fruits »). Il y a d’abord des bourgeons, puis des feuilles, puis les premiers fruits ; ces premiers fruits tombent et font place quelques mois plus tard aux fruits doux et mûrs que nous mangeons avec délectation (du moins ceux qui aiment les figues). Les premiers fruits poussent sur les vieux rameaux de l’année précédente, mais les seconds poussent sur les nouveaux rameaux de l’année en cours.

Une seconde particularité est que le figuier est l’un des premiers arbres à fleurir. En Israël, le figuier fleurit vers la mi-février et il a un rôle important : il marque la fin de l’hiver en Israël et le début d’un nouveau cycle de floraison.

Cette floraison du figuier faisait d’ailleurs l’objet d’une fête : la fête Tou Bishvat, sorte de « nouvel an des arbres ». Cette date est très intéressante : pour les Juifs, elle sert de marqueur calendaire. Passé cette date, les fruits nés sur les arbres sont réputés appartenir à la nouvelle année. Cette date sert pour le calcul de la dîme et de ce qu’il convient de prélever sur les arbres fruitiers pour assurer la subsistance des prêtres et lévites du Temple de Jérusalem, mais aussi la subsistance des pauvres : ainsi c’est la récolte de l’année passée qui détermine quel prélèvement on fera sur la nouvelle récolte. Ce jour illustre à merveille la succession entre les générations et leur solidarité et place le pauvre parmi les priorités de la nouvelle année.

Ce « nouvel an des arbres » a progressivement pris de l’importance dans la communauté juive : il est devenu un jour de réjouissance, pendant lequel il n’y a plus de jeûne ni de rite pénitentiel, et qui est l’occasion d’offrir aux plus pauvres des petits cadeaux nommés « argent des fruits ».

Vous vous demandez pourquoi je fais ce petit cours de sciences naturelles ? Eh bien parce que cela nous éclaire sur ce que nous dit Jésus !

Il parle à ses disciples de sa venue. Le peuple d’Israël et les prophètes ont préparé le terrain, comme les vieilles branches du figuier préparent la place des nouveaux rameaux à venir. Jésus, lui, viendra pour la deuxième récolte ! Celle des fruits doux et mûrs. Il EST le fruit le meilleur, celui que chacun attend, celui qu’on mange avec plaisir. Il viendra accomplir le cycle de la vie en amenant à maturité le fruit qu’elle porte.

La grande question, c’est de savoir quand cela se passera. Jésus dit que personne, « pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père » ne connaît la date et l’heure ; mais il évoque des signes avant-coureurs et nous dit : « lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ».

Alors, quels sont ces signes de la venue du Christ en gloire ? Est-ce que les évènements cataclysmiques que cite le début de notre évangile sont les signes à prendre en compte ? On parle de grande détresse, de soleil obscurci, d’étoiles qui tombent, de puissances célestes ébranlées ; est-ce à dire que plus nous vivons de cataclysmes (climatiques notamment), plus la fin du monde est proche ?

Je crois que ce petit figuier permet d’éviter de tomber dans l’écueil du catastrophisme et de penser que la venue de Jésus se fera au moment où les choses seront les plus dramatiques.

Il y a quelques années, un de mes collègues de travail avait accroché un grand cadre dans son bureau : il s’agissait d’une photographie qu’il avait prise d’une petite place mexicaine, complètement pavée, abrupte et dure. Et au milieu de deux pavés, une belle petite touffe d’herbe avait poussée, petit signe d’une vie bien réelle dans un environnement desséché. Un petit signe d’espérance lorsque la vie professionnelle est un peu trop dure… Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes, dirait-on…

Eh bien, je crois que le signe de la venue de Jésus est comme ce brin d’herbe qui pousse au milieu des pavés ; comme ce figuier qui renait dès l’hiver, comme cette arrivée du « Fils de l’homme au milieu des nuées avec grande puissance et avec gloire », au milieu de ce ciel qui tombe sur la tête de l’humanité.

Le Christ revivifie tout comme un printemps. Le signe véritable de la venue de Jésus, le signe le plus juste, je crois que c’est lorsque la vie se renouvelle.

Quand tout est noir, en détresse, quand le ciel menace de nous tomber sur la tête, c’est là que Dieu vient faire son œuvre de résurrection.
Quand on est malade, pauvre, exclu, rejeté, seul, mal aimé, découragé, c’est là que Dieu veut faire preuve de ce qu’Il est : il est miséricorde, il est amour vivant. Il est tendresse et réconfort. Il a besoin d’être connu comme tel.

Dieu est l’accompagnateur des angoissés, le soutien des familles divisées, la tendresse des mal dans leur peau, l’assouplissement des cœurs durs. Voilà les lieux où il souhaite agir. Ces lieux de mort. Les lieux où nous pouvons l’introduire et lui permettre d’agir.

Et le moment le plus éclatant de ce renouvellement de vie, c’est bien quand Jésus ressuscite.

La venue du Fils de l’homme, nous pouvons donc en parler au présent, sans attendre son grand retour à la « fin du monde » dont nous ne connaissons pas la date. Dès maintenant, notamment par l’Eucharistie de cette messe-même, nous prenons part à la deuxième récolte, nous prenons part à un mouvement réel de renouvellement de la vie par l’amour, nous expérimentons la venue-même de Jésus, et sa présence réelle au cœur de notre monde, plus particulièrement aux côtés de ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui vivent dans la détresse.

Clairement, notre participation n’est pas passive, magique, facile. C’est un combat. C’est une guerre. Une guerre de la vie contre les puissances de la mort. Une guerre universelle qui concerne autant la terre que le ciel (la première lecture nous le dit) ; et nous-mêmes avons chacun notre place dans cette guerre ; nous avons chacun à combattre les formes de mort auxquelles l’humanité est confrontée, en commençant par les lieux où la détresse est la plus grande, là où se trouvent les pauvretés. Nous sommes acteurs, nous contribuons à cette venue de Jésus sauveur lorsque nous prêtons attention à toutes ces fragilités, lorsque nous prenons soin de celui qui souffre.

Oui, Seigneur Jésus ! Viens encore re-vivifier les lieux qui en ont le plus besoin, viens remettre en vie tout ce qui est mort, et montre à chacun de nous ici présent quel est le poste qu’il peut tenir dans ce combat de vie.

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