Comme vous le savez, nous fêtons aujourd’hui le Saint Sacrement, le Corps et le Sang du Christ. En priant avec les textes que nous venons d’entendre, je me suis souvenu de ce que j’avais lu, il y a quelques temps, dans une revue d’architecture qui parlait de Notre Dame des Pauvres.

J’aimerais que nos regards se tournent vers le tabernacle ; sur la porte, on peut y lire une inscription issue du Magnificat dans l’Evangile de Luc (Lc 1, 53) qui rappelle indirectement la Parole que Dieu nous adresse aujourd’hui : « ESURIENTES IMPLEVIT BONIS » – « Il comble de biens les affamés ».

Cette inscription était, à l’origine, surmontée d’un grand pélican gravé qui a été vandalisé en 1955 par un extrémiste de l’art abstrait.

Pourquoi un pélican ? En fait, le pélican a très souvent été utilisé par les chrétiens, surtout à partir du Moyen-Age, comme symbole de l’eucharistie : un pélican, ca vit sur les rives des lacs et des fleuves, dans des régions chaudes, un peu comme Jésus en Galilée près du lac de Tibériade ; le pélican alimente ses petits avec la nourriture qu’il stocke dans une poche qu’il a sous son bec et des légendes anciennes ont imaginé que le pélican, en cas de nécessité, nourrit ses petits avec sa propre chair, s’étant déchiré la poitrine.

Est-ce à dire que lorsque Jésus nous invite à manger sa chair et à boire son sang, il s’agit de le faire comme un pélican le ferait physiquement avec ses petits ?

Au premier abord, nous pensons tous comme les juifs et les païens : « Comment cet homme-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » C’est du cannibalisme !

Bien sûr que non : Jésus ne nous donne pas matériellement sa chair physique à manger, car si tel était le cas, les cuistots de circonstance que seraient devenus nos prêtres auraient grand besoin de prendre des cours car, honnêtement, les hosties ne sont pas géniales au point de vue organoleptique !

Jésus n’est pas présent « matériellement » dans l’hostie ; matériellement, c’est du pain et du vin. En soi, Jésus n’est pas réduit à un objet : lorsque nous mordons dans l’hostie, Jésus ne souffre pas !

Puisqu’il ne s’agit pas d’une présence locale, physiquement accessible, que signifie la « présence réelle » ?

Ce qui se passe à la messe, c’est le sacrement de la présence réelle du Christ, le sacrement du corps du Christ : le Christ se rend présent réellement par le fait qu’il fait de nous Son corps. C’est ainsi que se révèle la réalité de sa présence.

La présence réelle, ce n’est pas la mise en capsule de Jésus, comme le ferait un nécromancien qui invoquerait l’esprit d’un mort pour le faire revenir. Le prêtre n’est pas un magicien…

La présence réelle se manifeste par le fait que nous devenons le corps du Christ, ici et maintenant. Si nous n’avons absolument pas l’intention de devenir son corps, alors ce n’est pas la peine de recevoir l’eucharistie car cela n’a plus aucun sens.

Je vous propose une expérience pratique : j’invite chacun à se tourner un instant vers l’un de ses voisins, à droite, à gauche, devant ou derrière, et à regarder son visage en silence.

Votre voisine est peut-être un canon esthétique autant que votre voisin peut être un odieux personnage. Vous-même vous avez vos limites et vos talents…

Eh bien, vous allez communier avec ce voisin, en Christ. Vous allez devenir le corps de Jésus, ensemble. Vous allez manifester ensemble la réalité de la présence du Christ. Vous allez vous transformer en tabernacles vivants l’un envers l’autre et pour le monde entier.

Vous allez être catholiques !

Comme le dit Maurice Zundel : « Je suis catholique, cela veut dire que je suis donné à chacun et débiteur de tous, je suis celui dont chacun peut demander la vie parce que je suis l’Eglise, corps mystique du Christ, donnant même sa vie. Etre catholique veut dire que mon cœur n’a plus de frontière et que chacun est chez lui dans mon cœur. »

Voilà pourquoi l’eucharistie est faite pour être mangée : pour que nous réalisions le corps du Christ.

Je n’ai cependant pas dit que l’adoration eucharistique n’avait aucun sens ; au contraire, adorer la présence du Christ en ce pain et en ce vin nourrit la foi. Dans l’adoration de l’hostie, on ne contemple pas un objet, on contemple la présence de Dieu qui se donne et permet à son corps de devenir une réalité, avec nous.

C’est donc de la construction du corps du Christ qu’il s’agit lorsqu’on parle du Saint-Sacrement.

Le don total de Jésus pour moi signifie que je suis aimé de Dieu. Qui que je sois, Dieu m’aime au point de se donner à moi, de se laisser manger par moi. Par le saint sacrement de l’hostie consacrée, il se rend vulnérable au point que je peux le prendre dans ma main. Que je peux le manger.

Par ce don total et gratuit de lui-même, Jésus se donne en exemple, se propose comme modèle. De même que Jésus se donne avec joie en nourriture et sauve ainsi tous les hommes, moi aussi je peux trouver la joie de l’imiter, en me donnant moi-même à manger aux autres, à mes proches, à ceux qu’il m’est donné de rencontrer. Devenir nourriture pour les autres ; chaque jour, s’offrir et se laisser manger.

Le pape François écrivait récemment : « celui qui reconnaît Jésus dans la Sainte Hostie reconnaît le frère qui souffre, qui a faim et soif, qui est étranger, nu, malade, emprisonné ; et il est attentif à chaque personne, il s’engage, de façon concrète, pour ceux qui sont dans le besoin ».

La finalité et la réalité du Saint Sacrement, c’est de permettre que se réalise cette phrase de notre tabernacle que nous voyons chaque dimanche : «  Il comble de biens les affamés ».

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