La Parole que Dieu nous adresse aujourd’hui est vraiment bien choisie pour le Carême. Non pas parce qu’elle parle de tentation, de nourriture, d’interdits ou de bien et de mal

C’est une Parole pour le Carême parce qu’elle ramène à l’essentiel, à ce qui est fondamental pour vivre et parce qu’elle prépare le chemin vers le point le plus essentiel de la foi chrétienne : Pâques.

Quelles choses essentielles Dieu me dit-il dans sa Parole aujourd’hui ?

En premier lieu, Dieu me parle de la confiance. Elle est fondamentale.
Satan prend la Parole de Dieu, mais en détourne le sens. Il la falsifie. Il la met en doute « Dieu a dit que si vous mangez de cet arbre vous mourrez ? Mais non vous ne mourrez pas ! »

Il instaure la défiance là où se trouvait la confiance : « Pas du tout, vous ne mourrez pas ; mais bien plus, vous serez comme des dieux car vous connaîtrez le bien et le mal. »

C’est comme si Dieu n’avait pas tout donné, qu’il voulait conserver un privilège ; en d’autres termes, Dieu aurait-il quelque chose à cacher ?

Sans confiance, aucune alliance, aucune relation n’est possible. Même pour conclure un contrat, il faut avoir confiance. Sans confiance, il n’y a pas de relation durable.

Vous, parents qui demandez le baptême pour votre enfant, vous le savez bien : pour vivre, un enfant fait confiance à ses parents. Et c’est d’ailleurs pourquoi le baptême des petits enfants devient possible : sans cette confiance dans le fait qu’un père ou une mère veut le bien de son enfant, le baptême deviendrait purement et simplement un moyen d’inculquer une idéologie à l’enfant, dès son plus jeune âge. Sans confiance, pas de baptême.

De même, sans cette confiance, comment vous, les fiancés, pourriez-vous vous avancer librement l’un vers l’autre dans un mouvement de don durable ? Sans confiance, pas de mariage.

Et comment envisager une réconciliation, un pardon qui relève si on n’a pas confiance dans la bienveillance et dans la sollicitude de celui à qui on demande pardon ? Sans confiance, pas de réconciliation.

Vous qui êtes venus par amitié envers le Père du Plessis, votre présence aurait-elle été possible aujourd’hui si des liens confiants n’avaient pas existé avec ce prêtre si marquant pour ND des Pauvres ?

On le voit bien : le baptême, le mariage, la réconciliation, la vie fraternelle sont des moments où Dieu se fait particulièrement proche et nous donne un surcroît de vie.

Faire confiance à Dieu, c’est reconnaître comme postulat de départ que Dieu veut notre bien ; il désire que nous vivions et veut nous protéger de la mort.

Satan le sait bien, et, en semant le doute, en falsifiant la Parole de Dieu, il cherche à nous couper de celui qui donne « plus de vie à nos vies ».

Ne nous laissons pas avoir. Faisons profondément le choix d’être des vivants et non pas des morts.

Dieu me parle également d’un autre point fondamental : il me parle de ma condition humaine, de mes limites d’être humain, et de la tentation que j’ai, en tant qu’homme, de me prendre pour Dieu, de me passer de Dieu, de vouloir être comme un dieu.

On le voit dans la première lecture lorsque le serpent dit à la femme : « Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal »

De même, dans l’Evangile de Matthieu : « Le démon l’emmène encore sur une très haute montagne et lui fait voir tous les royaumes du monde avec leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si tu te prosternes pour m’adorer. » Cette 3ème tentation de Jésus rappelle le passage du Livre du Deutéronome où Dieu fait monter Moïse en haut d’une montagne pour lui présenter tous les pays qu’il promettait de donner à Abraham et à ses descendants. En d’autres termes, dans l’Evangile de Matthieu, Satan essaie de se substituer à Dieu en employant à son profit les attributs de Dieu.

La réponse de Jésus est alors très vigoureuse : « Arrière Satan, c’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendra un culte ».

C’est une tentation première, fondamentale, que de vouloir refuser les limites de la condition humaine et d’entrer dans la « toute puissance ». Céder à cette tentation conduit à un chemin de mort. Chacun et chacune d’entre nous aura à lutter contre une telle tentation.

Nous ne sommes pas Dieu. On peut voir ça comme un malheur, mais je vais quand même vous annoncer un grand bonheur : c’est justement parce que nous sommes ainsi, limités, avec notre carcasse et nos imperfections que Dieu nous aime et réclame que nous l’aimions tels que nous sommes. Dieu aurait pu nous créer parfaits, sans limites, sans besoins physiques, immortels et invulnérables. En réalité, il l’a fait avec les anges et les esprits.

Mais, Il a voulu que nous soyons différents des anges ; nous sommes encore plus précieux que les anges aux yeux de Dieu et les anges nous servent.

Sommes-nous capable d’accepter d’être follement aimés tels que nous sommes, dans notre entièreté, avec ce que nous aimons de nous et ce que nous n’aimons pas ?

Sommes-nous capable de comprendre que Dieu a un amour tout particulier pour le pauvre, l’handicapé, le différent, celui qui manque de performance ou d’intelligence, tous ceux qui nous dérangent justement parce qu’ils nous rappellent cette condition humaine limitée, dont nous voudrions nous affranchir ?

En réalité, si cette tentation d’être « comme des dieux » nous taraude si facilement, c’est que Dieu a un projet pour nous qui s’en rapproche, et qui est inscrit au fond de notre être : Dieu veut nous diviniser.

Mais plutôt que de placer les choses sous les aspects d’une concurrence où c’est soit Dieu soit nous, mais sûrement pas les deux, où il s’agirait de puissance qui ne se partagerait pas, Dieu propose au contraire une juste voie : Jésus.

Jésus est venu revêtir notre humanité pour nous permettre de participer à sa vie divine.

La vie divine que Dieu nous offre, ce n’est pas être repus de confort, ce n’est pas voir nos besoins passivement comblés sans avoir rien à faire.

Ce n’est pas non plus être tout puissant de force, devenir invulnérable.
Ce n’est pas non plus être un dieu dominateur, tyrannique, violent, qui asservit l’autre. Ce n’est même pas d’être infinis, absolu comme Dieu.

La vie divine, c’est de vivre de la même Vie que Dieu. Le vrai visage divin, c’est celui d’un Dieu qui respecte la liberté, qui ne prend pas, n’accapare pas, mais au contraire qui se donne par amour. Le vrai visage divin, c’est celui que nous présente Jésus au travers de son visage d’homme.

Le plus grand désir de Dieu est donc de nous diviniser et il le fait à sa manière.
Si on reprend les paroles du serpent dans le livre de la Genèse, en substance, il dit à la femme : « prenez et mangez, vous serez comme des dieux ».

Comment ne pas penser au dernier repas de Jésus que nous revivons à chaque messe : « prenez et mangez, ceci est mon corps, ceci est mon sang, ma vie même ».

Adam et Eve prennent pour eux ce qui ne leur appartient pas, ce qui ne leur est pas destiné, pour être comme Dieu et tout maîtriser.

Jésus, lui, donne ce qu’il pourrait garder : sa vie. Il la donne, il meurt et il renaît à la vraie vie, la vie même de Dieu, libéré des contraintes de l’espace et du temps ; mais cependant il est resté le même ; Jésus n’a pas rejeté son humanité.

Le chemin pour nous diviniser, c’est celui de Jésus : c’est de se donner totalement, à chaque instant. C’est ainsi que l’on participe à la vie divine. Comme le dit le théologien François Varillon : « Dieu n’est qu’amour, donc la vie éternelle consiste uniquement à aimer, à sortir de soi, à ne pas penser à soi, à ne pas se replier, se recourber sur soi, à faire passer les autres avant soi. Tel est le bonheur du ciel. »

A chaque eucharistie, nous revivons ce mouvement de don total. Dieu se donne à nous et, en même temps que nous le recevons, nous faisons à notre tour un acte de don total de notre vie. Nous faisons là un geste de mort à nous-mêmes et de résurrection à la vraie vie.

Laissons donc grandir en nous tout au long de ce Carême ce désir d’être divinisés à la manière de Dieu, acceptons comme Jésus de mourir au désir de tout maîtriser, de tout posséder, pour que, à Pâques, nous goûtions d’une manière toute particulière à la jubilation de voir que ce désir de participer à la vie divine s’est réalisé.

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