Cet enseignement de Jésus dans son sermon sur la montagne comporte des paroles plutôt difficiles : « ne vous faites pas de souci pour demain », « ne vous souciez pas de ce que vous mangerez ni de ce que vous vêtirez », « la vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que les vêtements ? »

Toute personne qui, en ce temps de crise, se retrouve au chômage ou sans ressources, avec un loyer à payer, des enfants à élever, des dettes qu’elle ne peut plus éponger, et craint en permanence de voir arriver l’huissier de justice pourra trouver cyniques les paroles de Jésus.

Et pourtant, c’est bien à des pauvres que s’adressait Jésus sur la montagne ; et Jésus n’est pas du genre condescendant. Alors ?

En réalité, les paroles de Jésus sont pleines de tendresse. « Ne vous faites pas de souci », c’est un appel à placer sa confiance en Dieu. Notre Dieu nous aime tellement qu’il veut le meilleur pour nous : Il nous veut libres, heureux et il se préoccupe de nous dans toutes les dimension de nos vies.

Dieu parle de la liberté de l’homme : Il lui dit « vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent ». Il le met en garde contre l’idole redoutable que peut devenir l’argent : si l’argent prend la première place au-dessus de tout, si nos décisions et nos actes sont conditionnées avant tout par le souci de l’argent, bref si l’argent prend la place d’un Dieu, il nous asservira, il créera en nous une véritable prison. Voyez la drogue, le crime, la pornographie, toutes ces prisons dans lesquelles l’humanité se jette ou dont elle ne peut plus sortir, à cause de l’argent. Voyez aussi le monde du travail où il faut parfois du courage et une grande droiture d’esprit pour contester les décisions non motivées par le bien commun, par crainte de déplaire à de hauts responsables et de perdre son poste.

Lorsque l’argent ou le pouvoir devient un Dieu, lorsqu’il devient un maître, il asservit : il rend légitime l’exercice d’une emprise sur quelqu’un ; il réduit la valeur de la personne humaine à sa performance, à son retour sur investissement, à son train de vie, à combien il « pèse ».

Or, quand on est détenteur d’une responsabilité, que l’on soit directeur d’une entreprise, président de la République, ministre de Jésus-Christ ou parent, on ne peut être le maître de qui que ce soit. Les dirigeants, les chefs, les pasteurs, tous ceux à qui une responsabilité est confiée n’ont aucun droit de domination à l’égard de qui que ce soit. Ils sont nommés pour être des serviteurs, pas des dictateurs. Même Dieu, pourtant maître de tout, ne porte jamais atteinte à notre liberté : il ne s’impose pas en dépit de sa puissance ; au contraire, il s’est fait serviteur de tous.

Alors, quand Jésus nous dit « ne vous faites pas de souci », cela signifie-t-il qu’il faut rejeter l’argent comme quelque chose de mauvais, source de tous les malheurs de la vie, et vivre dans l’insouciance et le quiétisme ? Non. Il ne s’agit pas de négliger le besoin d’argent : il faut de l’argent pour vivre et celui qui n’en a pas ne fait que survivre. Il faut souhaiter que l’argent ne manque à personne.

Mais l’argent, le confort, l’aisance, doivent rester à leur juste place de serviteurs. Ce sont des moyens, et non des finalités. Lorsqu’on aime trop l’argent, lorsque le confort devient une contrainte, on en perd sa capacité d’aimer : on se replie sur soi, on ne se donne plus, tout partage devient un appauvrissement. On tarit tout élan de vie et … on finit par se soucier du lendemain.

En revanche, si tu t’attaches à Dieu et non plus à une sorte d’idole, tu seras tellement comblé dans ce qui touche à l’essence même de ta vie que tu comprendras combien tu es précieux et unique aux yeux de ton Seigneur. Tu comprendras combien tout – absolument TOUT ce qui te concerne a de l’importance pour Lui, Y COMPRIS ton besoin d’être nourri, vêtu et d’avoir un toit.

Les difficultés ne seront pas effacées comme par magie, mais le souci qu’elles engendrent ne pourra plus te détruire car tu sauras que tu es aimé d’un amour indestructible, que tu n’es plus seul à devoir te démener dans ta vie. Que quelqu’un prend soin de toi.

En fait, si nous devons porter un souci, ce ne devrait plus être celui de notre propre bonheur, mais celui du bonheur des autres. Nous l’avons entendu : notre Dieu multiplie les paroles par lesquelles il nous répète qu’il nous aime et jamais ne nous abandonnera, et qu’il est un appui solide :

« Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas, – dit le Seigneur ».

Dieu, « mon rocher, mon salut, ma citadelle »,

« Dieu, mon refuge, mon rocher imprenable ! »

Ces paroles, nous avons beau les entendre, nous avons du mal à y croire. Au contraire, en dépit de ces paroles, nous nous laissons dominer par la crainte de ce qui pourrait nous arriver demain. Et nous nous recroquevillons sur nous-mêmes.

Or, si nous avions foi en ces paroles, nous accueillerions la vie comme un merveilleux cadeau, quels que soient les évènements qu’elle comporte. Nous prendrions appui sur le rocher qu’est le Seigneur, nous serions bien plus libres à l’égard des difficultés de nos vies… et nous aurions le désir d’alléger le fardeau de ceux qui sont encore captifs de leurs soucis.

C’est vrai que notre condition humaine nous rend vulnérables et sans protection. Mais si tant d’hommes se font du souci, c’est aussi parce que la fraternité va mal : comment ne pas être touché de voir que 900 millions de personnes sont affamées dans le monde alors même que d’un côté nous disposons de tous les moyens techniques et de toutes les ressources pour les nourrir toutes, et que, d’autre part, nous jetons à la poubelle près d’1/3 de notre nourriture.

Plutôt que d’être tenté de vivre reclus dans une tour d’ivoire, à la quête de la paix et de la sérénité intérieures, devenons nous-mêmes les instruments qui concrétisent cet amour de Dieu pour l’humanité. Nos actes sont les manifestations concrètes, visibles, tangibles de la prévenance que Dieu a pour chaque homme dans le besoin, pour chaque homme écrasé par le poids de son souci et qui crie : « Le seigneur m’a abandonné, mon Seigneur m’a oublié »

Pour que chaque homme voit se réaliser la parole que notre Père du ciel lui adresse : « une femme peut-elle oublier son nourrisson ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas, – dit le Seigneur ».

Amen

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